Le principe de la « riposte graduée » d’Hadopi peut aussi atteindre des particuliers qui ne téléchargent pas massivement : nouvelle illustration avec le cas de cette jeune normande qui devra régler près de 1 000 euros pour avoir téléchargé illégalement cinq films récents. L’occasion de revenir sur les méthodes et principes qu’utilise Hadopi pour sanctionner les internautes en faute.
L’article L335-4 du code de la propriété intellectuelle définit comme un délit la « reproduction ou diffusion non autorisée de programmes, vidéogrammes ou phonogrammes », un délit sanctionné d’une peine maximale de trois ans de prison et de 300 000 euros d’amende. Bien évidemment un particulier téléchargeant occasionnellement ne risque pas de telles condamnations : mais penser qu’il peut échapper au tribunal et à une condamnation en correctionnelle serait se leurrer.
Cinq films, mais en ignorant les menaces d’Hadopi
Une jeune internaute a ainsi été condamnée, début avril, par le tribunal correctionnel de Dieppe, pour avoir téléchargé cinq films « récents » entre le 5 juin 2014 et le 17 juillet 2015. Elle a écopé d’une amende de 200 euros avec sursit, mais devra s’acquitter des dommages et intérêts et des frais de justice des quatre parties civiles (où figurent notamment la SACD et la SACEM), qui s’élèvent à 800 euros et des frais de procédure de 127 euros.
Quand un téléchargement illégal est repéré par la Haute Autorité pour Diffusion des Œuvres et la Protection des droits sur Internet (HADOPI), le principe de la réponse graduée se met en place. Un mail d’avertissement est envoyé à l’internaute fautif ; si le contrevenant ne prend pas en compte cet avertissement, il reçoit une lettre recommandée à son domicile, lui demandant de cesser cette pratique. En cas de récidive dans l’année qui suit cet envoi, l’utilisateur peut être traduit en justice.
Avertissements jamais reçus et mauvaise foi
C’est ce qui est arrivé à Justine, 23 ans, vivant à Saint-Saëns, en Haute-Normandie. Devant la barre du tribunal, elle prétend, à chaque étape de la procédure qui l’a conduit en justice, ne pas avoir été au courant. Elle commence par expliquer qu’elle ne savait pas qu’il s’agissait d’un téléchargement et qu’elle ne se rappelle plus qui a installé, sur son ordinateur, le logiciel de téléchargement ; la juge a beau souligner que les publicités sur le téléchargement illégal sont nombreuses, elle persiste dans son déni.
Elle a ensuite reçu des emails d’avertissement, la jeune femme se défend : « Je ne vais plus sur cette adresse. Ces mails n’ont jamais été ouverts » ; quant aux recommandés qui ont suivi, elle expliqué qu’elle ne les a pas reçu, invoquant une erreur dans l’adresse – alors que les avis de passage ont bien été signés. Le procureur n’est pas convaincu, pas plus que les parties civiles : « L’élément intentionnel est là. La mauvaise foi de Madame est démontrée », expliquent ces dernières, en soulignant qu’elle a continué de télécharger malgré tous les avertissements.
Mettre fin au sentiment d’impunité des pirates
Le juge n’a pas été sévère, estimant qu’il s’agissait d’une pratique occasionnelle, mais l’a reconnu coupable en pleine conscience. Le montant à régler reste élevé pour une jeune femme de 23 ans.
Rappelons au passage que ce que Hadopi condamne, ce n’est pas le téléchargement en tant que tel, mais le fait que l’abonné Internet n’est pas pu empêcher que son accès soit utilisé pour effectuer ce téléchargement – suivant le principe de la « négligence caractérisée ». En effet, en cas de piratage, il est impossible de savoir quel membre d’un foyer a piraté, l’adresse IP étant la même pour tous les utilisateurs d’un accès, la loi a choisi de viser l’abonné et un défaut de sécurisation pour pouvoir sanctionner.
Une affaire de ce type prouve que le sentiment d’impunité qui habite la plupart de ceux qui téléchargent illégalement, et qui sont particulièrement nombreux en France, peut conduire un contrevenant négligeant à un procès en correctionnelle. A méditer.