Si, dans les domaines de l’immigration ou de la couverture maladie, les réformes emblématiques du début de mandat de Donald Trump se sont soldées par des échecs, sa déconstruction de l’œuvre de Barack Obama dans le domaine d’Internet se poursuit sans encombre. Illustration avec l’autorisation donnée aux opérateurs de télécoms de revendre les historiques de navigation des internautes.
Octobre 2016. Le régulateur américain des Télécoms, la Federal Communications Commission (FCC), a voté un ensemble de règles protégeant la vie privée des internautes. Cette législation imposait aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) de garder confidentiels les informations personnelles de leurs utilisateurs. Il était notamment interdit de partager les historiques de navigation et surtout de les revendre sans l’accord explicite des utilisateurs.
Les FAI, comme Verizon, AT&T, Comcast, ont fait pression pendant des mois pour obtenir l’autorisation de revendre ces données à des annonceurs afin qu’ils puissent proposer aux internautes des publicités ciblées. Les opérateurs télécoms y voyaient un droit leur permettant d’assurer leurs croissances et proposer ainsi de meilleurs services aux consommateurs. Ils dénonçaient également le fait que certains éditeurs de services Internet, comme Google, n’étaient pas soumis aux mêmes contraintes, alors qu’ils collectaient un nombre considérables de données personnelles. Donald Trump faisait à l’époque parti de leurs soutiens les plus fervents :
Octobre 2016 : victoire des partisans de la protection des données
La bataille s’était soldé par une victoire des partisans de la protection des données : les règles d’octobre 2016 obligent les FAI à obtenir le consentement explicite des internautes pour partager et donc revendre leurs données personnelles et notamment leurs historiques de navigation.
C’est cette réglementation que le Sénat vient d’annuler, sous l’impulsion de Donald Trump qui, rappelons-le, a nommé à la tête de la FCC Ajit Pai, un opposant déclaré à la neutralité du net et du pouvoir des éditeurs de service. Pour ce faire, les sénateurs ont utilisé le Congressional Review Act (« loi de révision du congrès ») ; cette loi permet au Sénat et à la Chambre des Représentant, en cas d’accord des deux chambres, d’annuler un règlement fédéral mis en place par un organisme gouvernemental, comme la FCC. C’est cette loi qui a permis aux Républicains, depuis l’élection de Donald Trump, d’annuler un nombre conséquent de règlements du mandat d’Obama.
Une abrogation qui interdit tout retour en arrière
Et le point crucial, concernant cette loi, est qu’elle interdit tout retour en arrière : en effet la législation empêche les agences fédérales de proposer à l’avenir une règle qui serait « sensiblement la même » qu’une disposition qui a été renversée par le Congressional Review Act. Autrement dit, maintenant que la règle de la FCC a été abrogée, la loi américaine interdit à l’organisme de contrôle d’adopter à nouveau une règle interdisant la revente des historiques Internet.
Désormais, le plus probable est que la FCC édite de nouvelles règles de confidentialité pour les FAI, qui devraient ressembler à celles établies par la FTC (Federal Trade Commission), le régulateur du commerce américain : les FAI ne pourront pas partager les données sur les enfants ou sur la santé des abonnés, mais pourront faire ce qu’ils veulent des historiques de navigation.
Mettre Internet aux mains des fournisseurs d’accès et des publicitaires
Jeff Flake, qui fait partie des sénateurs à l’origine de cette résolution, affirme que cette décisions va « protéger les consommateurs contre la réglementation excessive de l’Internet » : sachant que les FAI n’auront plus à demander l’autorisation aux consommateurs pour utiliser leurs informations, on se demande de quoi cette résolution va les protéger… Sans surprise la décision a été saluée par l’industrie de la publicité en ligne.
Un changement d’ère radical pour les États-Unis, qui viennent de basculer, sans retour possible, dans un monde où les données personnelles des internautes sont vendues au plus offrant, sans l’accord des principaux intéressés. Le pire étant peut-être que cette résolution risque de n’être qu’un début, l’attaque en règle de la neutralité du net étant déjà en marche.