Donald Trump l’avait promis, c’est effectif : l’organe de régulation des télécoms américains, la FCC, va s’attaquer au principe de la neutralité du web, mis en place en 2015 par l’administration Obama. En réponse les géants du web et les start-up américaines se mobilisent pour défendre un Internet libre et sans discrimination : la bataille est cruciale, car c’est l’avenir d’Internet tout entier qui se joue, sans retour en arrière possible.
C’était attendu. Après l’autorisation de revente des historique Internet par les FAI (Fournisseurs d’Accès à Internet), l’étape suivant de la destruction de l’héritage Obama était la neutralité du web. Cette dernière est ce principe selon lequel tout le trafic Internet est traité de la même façon, sans discrimination, limitation ni interférence, qu’importe l’expéditeur, le destinataire, le type, le contenu, l’appareil, le service ou l’application.
Un principe adopté au terme d’un long conflit
Et si l’Union Européenne défend ce principe depuis longtemps, il avait fallu une bataille rangée entre d’une part les Démocrates, soutenant les créateurs de contenu web et les géants du net, et d’autre part les Républicains, défendant les FAI et plus généralement les groupes de télécoms, pour que ce principe finisse par être adopté début 2015 par la FCC (Federal Communications Commission), le régulateur américain des télécoms, présidé à l’époque par Tom Wheeler.
Mais depuis tout ou presque a changé. Le président des Etats-Unis, Donald Trump, affirme régulièrement qu’il est contre la neutralité du net, et il a nommé à la tête de la FCC le principal opposant à cette loi dans la bataille juridique de 2014-2015, Ajit Pai, un ancien avocat de Verizon, l’un des plus importants fournisseurs d’accès à Internet des Etats-Unis.
Un Internet à deux vitesses pour augmenter les profit des FAI
Le mercredi 26 avril 2017, Ajit Pai a publiquement annoncé qu’il comptait renverser ce qu’il considère comme une erreur et « revenir au dispositif plus souple qui nous a si bien servi sous les administrations Clinton, Bush et durant les six premières années de l’administration Obama ». Pour lui la neutralité du net est un frein qui empêche les FAI de proposer un Internet à plusieurs vitesses, en faisant payer les sites et les éditeurs de contenu qui souhaitent avoir une connexion plus rapide, et fournir une connexion plus lente pour ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas payer.
Pour les grands groupes de télécoms comme AT&T, Comcast ou Verizon, cette possibilité est présentée comme indispensable au renforcement du réseau. Ajit Pai a même affirmé que le principe de la neutralité du web allait surtout handicaper les zones rurales et les foyers les plus pauvres, car ils seront les premiers à être privé de réseau quand les FAI ne pourront plus assumer des dépenses de fonctionnement trop élevées.
Réaction des géants du net et de la Silicon Valley
Les créateurs de contenu et les défenseurs d’un Internet libre savent que ces arguments masquent la volonté des groupes de télécoms de gonfler leurs revenus en faisant payer les géants du web. Ces derniers se sont réunis dans une association, qui regroupe entre autre Airbnb, Amazon, Dropbox, eBay, Facebook, Google, LinkedIn, Microsoft, Netflix, PayPal, Pinterest, Reddit, Spotify, TripAdvisor, Twitter, Uber et Yahoo.
Cette association a publié un communiqué déclarant que « les règles actuelles de la FCC sur la neutralité du Net fonctionnent et cette protection des consommateurs ne devrait pas être changée ». Ils affirment également qu’abroger cette réglementation « aura pour résultat un Internet de plus mauvaise qualité pour les internautes et une réduction de l’innovation ».
Un groupement de 800 start-up ont ajouté leur voix à ce concert, affirmant que la neutralité du web était vitale pour elles, car c’est grâce à ce principe qu’elles peuvent concurrencer sur un pied d’égalité, au moins en terme de débit, les grands groupes. Sans ce principe, une start-up qui ne pourra pas payer pour avoir un débit élevé sera forcément défavorisée par rapport aux géants du net qui paieront pour profiter des autoroutes mises en place par les FAI.
Plusieurs mois de débats pour une décision qui pourrait être irrévocable
La FCC devrait voter à ce sujet le 18 mai, après débat et discussion ; mais surtout, si la proposition est adoptée, ce qui devrait être le cas, une consultation publique de plusieurs mois s’ouvrira au terme de laquelle le texte pourra être amendé avant un vote final. Les défenseurs d’un Internet libre se mobilisent pour peser sur la décision, avec le soutien total des géants du web, de la Silicon Valley et de tous les créateurs de site et de contenu.
Car cette bataille est décisive : comme pour la revente des historiques web, une disposition de la loi américaine fait que si une décision d’une agence gouvernementale est cassée, aucune proposition similaire ne peut par la suite être proposée. En d’autres termes : si la neutralité du web venait, comme c’est probable, à être abrogée, une nouvelle administration ne pourra pas légalement la rétablir.