En matière d’Intelligence Artificielle, les firmes américaines ont une bonne longueur d’avance. Mais la technologie est suffisamment jeune pour qu’une nation comme la Chine puisse estimer qu’avec les investissement adéquats le retard puisse être comblé en une bonne dizaine d’années. Le gouvernement chinois vient ainsi de rendre public son plan d’investissement et d’action pour amener le pays à la première place mondiale de l’IA en 2030. Analyse.
Le document, par sa sécheresse, a quelque chose de vertigineux : il rappelle que la planification est une affaire sérieuse pour un pays (prétendument) toujours communiste. Mais pour austère qu’il soit, il pose avec une déconcertante force la volonté, assumée, répétée, martelée, de faire de la Chine un pays leader de l’Intelligence Artificielle.
Concurrence américaine contre planification chinoise
Nous sommes bien loin de la logique américaine, où la concurrence entre grandes entreprises fait figure d’aiguillon et où chaque nouveauté présentée par une multinationale impose à ses concurrents de se remettre en question et de faire travailler ses services de Recherche et Développement. Cette méthode maintient depuis le début de la révolution numérique les entreprises américaines sur le toit de cette économie.
La méthode chinoise est plus rigoureuse et brute. Le Conseil d’Etat de la République Populaire de Chine a publié fin juillet un plan en trois étapes, qui vise à faire de l’Intelligence Artificielle l’un des leviers de la croissance industrielle du pays pour le porter au sommet de cette technologie à l’horizon 2030.
Trois étapes pour devenir numéro 1 de l’IA
Dans le détail, la première étape consiste, d’ici 2020, à aligner la Chine sur les pays en pointe en terme de technologie et d’applications liées à l’IA. En d’autre terme : rattraper le retard pour donner à l’industrie de l’IA un poids de 22 milliards de dollars en Chine.
La seconde étape, jusqu’en 2025, vise, une fois les bases juridiques de l’IA posées, à mettre en place des services de recherche et développement de pointe, tout en boostant l’industrie et les applications de l’IA. Le plan vise notamment toutes les industries émergentes liées à l’IA comme le matériel et les logiciels intelligents, les robots et les terminaux de l’IoT (« Internet of Things », l’Internet des objets).
Il restera ensuite à pousser cette logique plus loin, à passer à un développement industriel à très grande échelle, tout en continuant de soutenir la recherche, pour qu’en 2030 la Chine atteigne une valorisation de 148 milliards de dollars pour son industrie de l’IA, qui en fera le leader mondial. « La Chine commencera à dépasser les gains de productivité de l’IA des Etats-Unis en 10 ans » annonce fièrement le rapport.
La force de la volonté publique
Ce qui est inquiétant pour l’hégémonie américaine, c’est que, ces dernières années, quand le gouvernement chinois a annoncé qu’il mettait en place un plan, qu’il s’agisse d’industrialisation, d’énergie ou de grands travaux, il s’y est toujours tenu. Si le premier ministre chinois a qualifié l’IA de « technologie stratégique » et si un laboratoire national d’Intelligence Artificielle a été inauguré en partenariat avec Baidu en février, ce n’est pas un hasard.
La Chine peut d’ailleurs s’appuyer, au delà de la stricte volonté publique, sur plusieurs entreprises d’importance dans le monde du numérique, qui sont en train d’investir dans l’Intelligence Artificielle.
Les géants du numérique chinois se lancent tous dans l’IA
Baidu vient d’acheter la start-up américaine Kitt.ai et a a finalisé un partenariat avec Nvidia, leader mondial des puces dédiées à l’IA. Alibaba vient de présenter un haut-parleur connecté disposant d’une IA, qui vise clairement à concurrencer, à terme, l’Amazon Echo ou le Google Home. Lenovo a annoncé que le développement d’un assistant numérique, de périphériques pour la santé connectée et de plates-formes de réalité augmentée et virtuelle – s’appuyant tous sur l’Intelligence Artificielle.
Tout cela sonne comme la mise en marche d’une armée. Lente. Progressive. Mais inéluctable. De quoi faire trembler l’Amérique sur ses bases dans ce domaine hautement stratégique ? Les années à venir nous le dirons.