Comment lutter efficacement contre la piraterie audiovisuelle sur Internet ? Voilà une question qui revient chaque année sans jamais vraiment obtenir de réponse, ou du moins, de réponse claire. Car même lorsque les autorités pensent avoir fait le plus gros du travail en obtenant la fermeture d’un site, celui-ci renaît de ses cendres quelques mois plus tard. En témoignent les récentes réouvertures des célèbres sites de téléchargement illégal « Zone Téléchargement » et « T411 ». Alors, comment faire ?
Chaque pays du globe a alors élaboré sa propre procédure afin de lutter efficacement contre les sites diffusant des contenus piratés. Mais force est de constater que certains pays, à l’instar du Portugal et du Royaume-Uni, s’en sortent mieux que les autres. La raison ? Un dispositif bien huilé et une volonté de fer. De son côté, l’Hexagone fait pâle figure… Tour d’horizon — non exhaustif — des procédures existantes en matière de lutte contre la contrefaçon sur le Web.
Le Portugal, le Royaume-Uni et l’Espagne caracolent en tête
L’infographie présentée ci-dessous a pour ambition d’expliciter les procédures de lutte contre la contrefaçon sur Internet mises en place dans l’Hexagone ainsi que chez nos voisins ibériques et outre-Manche, tout en évaluant leur efficacité.
En juillet dernier, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI) publiait son rapport de veille internationale intitulé : « Analyse des différents modèles étrangers de lutte contre la contrefaçon en matière de droits d’auteur et de droits voisins sur Internet ». Cette étude compare les différentes procédures de lutte anti-contrefaçon audiovisuelle sur le Web dans les différents pays du globe.
On y apprend que le Portugal a pour sa part élaboré « un dispositif permettant d’obtenir rapidement le blocage de sites illicites par l’autorité publique, sans recours au juge, dans le cadre d’un accord volontaire (mémorandum) entre les parties prenantes ». Ainsi, l’association anti-piratage plurisectorielle (MAPINET) « notifie un contenu illégal à une plateforme et demande son retrait ». En cas d’absence de réponse, cette dernière saisit — preuves à l’appui — l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) qui, dans l’hypothèse où le site est « massivement contrefaisant » demande aux fournisseurs d’accès Internet (FAI) de bloquer le site en question. Ces derniers devront alors assumer les coûts liés au blocage du site. Cette procédure est saluée par la HADOPI en raison de son efficacité — « en janvier 2016, 600 sites avaient été ainsi bloqués » — et de sa rapidité.
Au Royaume-Uni aussi, la lutte contre la contrefaçon sur le Web est prise très au sérieux. Outre-Manche, ce sont les ayants droit lésés qui doivent saisir le juge afin d’obtenir le blocage d’un site. Une fois que le juge a ordonné aux FAI de bloquer un site, les ayants droit et les FAI peuvent alors conclure « des accords sur l’actualisation des sites visés par ces injonctions de blocage (sites miroirs notamment), sans repasser devant le juge ». Cette procédure est plutôt efficace puisque pas moins de « 163 décisions de blocages » ont été prononcées depuis 2011.
Retour de l’autre côté des Pyrénées, en Espagne cette fois-ci. La monarchie constitutionnelle a elle aussi décidé de s’attaquer à bras le corps à la contrefaçon sur le Web. Reposant autrefois sur un dispositif mis en place par la « loi Sinde » datant de mars 2011, mais jugé trop lent et inefficace, la lutte anti-contrefaçon s’appuie désormais sur « la loi d’octobre 2014 qui a comme double objectif de simplifier les formalités en vue de raccourcir les durées de traitement et de renforcer le dispositif afin de le rendre plus performant ».
Ainsi, pour obtenir le blocage d’un site, les ayants droit espagnols doivent contacter ledit site afin de demander le retrait des contenus contrefaits. En cas d’absence de réponse, les ayants droit saisissent la commission qui contacte à son tour le responsable du site illicite afin de lui enjoindre « de faire en sorte que le contenu ne soit plus accessible » et « d’assurer le retrait pérenne (Stay down) ou d’interrompre l’activité qui porte atteinte aux droits d’auteur ».
En cas de persistance de l’atteinte constatée et « d’impossibilité d’identifier les responsables du site », la commission peut demander aux intermédiaires techniques de prendre les « mesures nécessaires pour faire cesser l’atteinte », telles que la « cessation de fourniture d’une prestation d’hébergement, le blocage du site ou son déréférencement ».
Depuis sa création, le rapport affirme que sur les « 117 dossiers qui ont été instruits par la commission espagnole : 77 ont été clôturés, car les sites ont accédé à la demande de retrait des contenus ; dans 32 cas, face à la persistance de l’infraction, la commission a dû prendre une décision ordonnant la suppression de ces contenus et, dans 8 cas, une décision judiciaire de blocage des sites en cause a ensuite été prononcée (aboutissant en pratique au blocage de 19 noms de domaine) ».
La France à la traîne
Du côté de l’Hexagone, si le processus est plus ou moins le même qu’outre-Manche, l’efficacité n’est pas vraiment au rendez-vous. En France, les ayants droit, ou l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA), doivent contacter le site pirate afin de demander à ce dernier le retrait des contenus contrefaits. En cas d’absence de réponse, ces derniers saisissent le juge qui demandera le blocage du site et/ou son déréférencement. A la différence du Royaume-Uni, aucun accord entre les ayants droit et les FAI n’est prévu en ce qui concerne les sites miroirs.
En termes d’efficacité, le moins que l’on puisse dire, c’est que la procédure française ne rayonne pas. On dénombre environ une vingtaine de sites ayant fait l’objet d’une décision de blocage. L’obligation pour les ayants droit de passer systématiquement devant le juge semble être un frein à la lutte anti-contrefaçon. La volonté de conserver cette procédure pose alors question. D’autant qu’à quelques kilomètres de là, des dispositifs plus simples et plus efficaces ont vu le jour.