La consultation sur la neutralité du net, lancée par la FCC, le régulateur américain des télécoms, s’est achevée le 6 octobre, avec plus de 25 millions de réponses. Et si certaines sont sujettes à caution, les prises de position les plus nombreuses défendent cette neutralité, contre l’avis du président de la FCC. L’organe régulateur prépare désormais la version finale du texte, avant de passer au vote.
L’Amérique tremble. Le monde entier tremble. La consultation sur le principe de la neutralité du net s’est achevée le 6 octobre. Lancée par la FCC (Federal Communications Commission), le régulateur américain des télécoms, elle visait à prendre les avis des citoyens et sociétés sur ce sujet, avant d’éventuellement amender le texte de loi. Un texte de loi qui, en l’état, détruit purement et simplement la neutralité du net aux Etats-Unis.
Vers un Internet à plusieurs vitesses ?
Le nouveau président de la FCC, Ajit Pai, ancien avocat de Verizon, est un opposant assumé de ce principe. Si rien n’est fait pour adoucir sa proposition, les Etats-Unis basculeraient définitivement dans une logique d’Internet à plusieurs vitesses. Pour faire simple, les Fournisseurs d’Accès à Internet (FAI) pourraient mettre en place des connexions plus ou moins rapides en fonction du contenu auquel l’internaute veut accéder – et cette vitesse serait fonction de ce que payent les sites Internet.
En clair, pour les géants d’Internet, Google, Facebook, Microsoft, etc., des autoroutes payantes leur assurant un débit élevés. Pour les autres, des routes de campagne au débit réduit. Les gros FAI américains expliquent que ce système est nécessaire pour financer leurs infrastructures. Les défenseurs d’un Internet ouvert et égalitaire estiment que c’est la fin de l’innovation sur la toile.
Prises de position d’organisations internationales hors des Etats-Unis
A quelques jours de la fin de la consultation, une association, nommée The World for Net Neutrality, est rentrée dans la bagarre. Composée de 200 organisations internationales (mais aucune américaine), The World for Net Neutrality a lancé une supplique au président de la FCC pour conserver les règles de neutralité de réseau aux Etats-Unis.
« Ces changements permettront aux fournisseurs d’accès à Internet américains d’exiger des services Internet qu’ils paient pour obtenir le droit d’avoir un accès privilégié à leur clientèle, créant ainsi une mosaïque de nouveaux monopoles […] Cela fragmente le marché, détruit les économies d’échelle, réduit les incitations à l’innovation, sape les mouvements sociaux et détruit l’esprit d’Internet » précise la lettre, signée entre autre par Reporters Sans Frontières, The Next Web, l’EDRi, Access Now ou Bits of Freedom.
C’est que ce débat, s’il peut sembler américano-américain, concerne le monde entier. Certes, les différences de traitement des sites ne se feraient sentir qu’aux Etats-Unis, et un étranger ne s’en rendrait compte qu’en se connectant sur le sol américain. Mais une bonne part de l’innovation d’Internet vient des Etats-Unis, brider la possibilité pour un site inconnu de s’étendre sans monnayer son débit aura fatalement pour effet d’en réduire l’impact – et de laisser le temps à un géant de reprendre son idée à son compte.
Une majorité des réponses et déclarations défendent la neutralité du net…
Au terme de le consultation, près de 25 millions de réponses ont été déposées sur le site de la FCC. Et si l’on exclue celles provenant de bots ou de personnes décédées (très souvent défavorables à la neutralité), la majorité défend le principe de la neutralité du réseau, d’un Internet sans discrimination de quelque nature que ce soit, où le FAI ne peut ni limiter ou interférer le trafic selon le contenu, l’appareil, le service, l’application, destinataire, l’expéditeur ou le type.
En réalité, seuls les gros FAI américains, AT&T, Comcast, Verizon, Charter ou Sprint, sont favorables à la mesure de la FCC – ainsi que des personnes proches de leur écosystème. Même les « petits » FAI américains ont publié en juin un communiqué indiquant qu’ils défendaient le principe de la neutralité du net, qui leur semblaient vitale pour l’avenir de la toile – et un bon pare-feu aux mesures anticoncurrentiels des FAI géants les visant.
… mais les décisionnaires veulent sa mise à mort !
Pour autant, Ajit Pai comme Donald Trump semblent tellement déterminés à redonner le pouvoir aux « telcos » (les opérateurs de télécoms) qu’un adoucissement du texte semble improbable.
Certains regretteront les actions timides de la plupart des géants du net, Google ou Facebook en tête, comme s’ils avaient pris acte de cette défaite et prévoyaient déjà l’après et le futur monnayage de leurs accès haut débit privilégiés.
A l’inverse, les plus ardents défenseurs d’un Internet ouvert ont jeté toutes leurs forces dans cette bataille. Le texte est désormais entre les mains de la FCC. Alea jacta est.