Rapport du député-mathématicien Cédric Villani sur l’Intelligence Artificielle publié le 28 mars, intervention du président Macron sur ce sujet le lendemain : le gouvernement accélère sur la question de l’IA, posée en priorité technologique, avec une feuille de route ambitieuse qui se dessine. Présentation.
La volonté des autorités françaises de développer la recherche sur l’Intelligence Artificielle (IA) n’est pas neuve : François Hollande avait déjà commandé un rapport « France IA », présenté en mars 2017, et débloqué une enveloppe de 1,5 milliards d’euros pour les 10 ans à venir.
« Une des transformations les plus majeures, les plus radicales de ces dix prochaines années »
Mais le nouveau gouvernement semble décidé à faire de l’IA une priorité pour la recherche en France : « L’intelligence artificielle, c’est l’une des transformations les plus majeures, les plus radicales de ces dix prochaines années. Les États qui arriveront à maîtriser ces technologies auront un avantage pour le siècle à venir » a affirmé le secrétaire d’Etat au numérique, Mounir Mahjoubi.
Pour définir une feuille de route claire et efficace, le gouvernement a confié un nouveau rapport sur l’IA au député de l’Essone et mathématicien émérite Cédric Villani, qui a été rendu public le 28 mars. Il s’articule autour de plusieurs propositions fortes.
Favoriser quatre secteurs et doter la France d’un supercalculateur 100% européen
Le député propose ainsi de concentrer la recherche française sur l’IA sur quatre secteurs clés : la santé, l’environnement, les transports-mobilités et la défense-sécurité. Pour une double raison : le potentiel d’applications IA dans ces secteurs est particulièrement fort ; aucun acteur de référence ne s’est encore imposé au niveau mondial dans ces secteurs, où il est donc « encore possible de faire émerger des acteurs d’excellence ».
Autre mesure marquante : pour concurrencer la puissance de développement des GAFA et autres géants de la tech, le rapport propose de construire au plus tôt « un supercalculateur conçu spécifiquement pour les applications d’IA, dédié aux chercheurs et à leurs partenaires économiques dans le cadre de projets communs », qui n’utiliserait que des composants européens.
Retenir et attirer les meilleurs chercheurs, en engageant pleinement le secteur public
Mais disposer d’un matériel de pointe n’est pas suffisant, la France doit absolument retenir ses chercheurs et les empêcher de répondre aux sirènes américaines de Microsoft, Google ou Intel. Le rapport préconise donc un rapprochement des mondes universitaires et industriels, pour éviter toute fuite des cerveaux. Il propose la création de centres d’excellence pour la recherche en informatique et en automatiques, tout en augmentant la rémunération des meilleurs chercheurs, afin d’attirer des pointures internationales.
Cédric Villani recommande également un engagement très fort du secteur public dans la révolution de l’IA, entre autre par une plus grande ouverture des données publiques, une stimulation de la commande publique, et la nomination d’un haut délégué à l’IA : « cette personnalité aurait pour rôle de coordonner l’action gouvernementale et de constituer l’interface entre les secteurs public et privé », précise le rapport.
L’éthique au centre de tout travail sur l’IA
Le rapport n’a pas oublié les questions éthiques, centrales dans les problématiques liées à l’IA, et recommande donc de créer au plus tôt un « Comité consultatif national d’éthique pour les technologies numériques et l’intelligence artificielle », pour poser un cadre clair aux limites à imposer au développement de l’IA.
Ce rapport propose un plan de bataille qui semble cohérent et efficace : il pose cependant la question des limites d’une action limitée à un pays, fut-il la patrie de la French Tech – une action à l’échelle de l’Union Européenne ne serait-elle pas plus efficace pour faire émerger une excellence dans le domaine de l’IA ?
1,5 milliards d’euros de financement public sur 5 ans
Le rapport Villani est également vierge de tout chiffrage, et n’évoque en rien les besoins de financement des recommandations : « On a fait ces calculs, et plutôt trois fois qu’une. Mais on ne voulait pas qu’ils soient dans le rapport pour éviter que l’expression publique se précipite dessus » a expliqué Cédric Villani.
Pour autant, le lendemain de la publication du rapport, une intervention du président Emmanuel Macron à l’Institut Curie sur l’IA, en plus revenir sur les grandes lignes du rapport, évoquait la question de son financement. Le chiffre de 1,5 milliards d’euros était avancé, mais non plus sur dix ans comme avec François Hollande, mais sur le quinquennat en cour. 400 millions d’euros seront notamment attribués aux appels à projet.
De quoi faire de la France la patrie de l’IA ? Peut-être pas, mais sans doute de quoi se positionner fortement sur certains secteurs et certaines technologies, ce que la French Tech, appuyée par un réseau d’universitaires et de chercheurs de haut niveau, a toujours su faire avec talent.