Si la neutralité du net a bien été abolie aux Etats-Unis depuis le 23 avril 2018, la contestation se poursuit. Pendant que les procédures judiciaires pour faire annuler la décision de la FCC avancent, plusieurs Etats ont pris des mesures pour rétablir la neutralité du net sur leur sol. Le lobby des groupes télécoms américains menace de les attaquer en justice. C’est bel et bien confirmé : la décision de la FCC n’était qu’une bataille.
23 avril 2018 : deux mois après son entrée dans le droit américain, la décision de la Federal Communications Commission (FCC), l’organe de régulation des télécoms, d’abolir la neutralité du net sur le territoire des Etats-Unis est désormais effective.
Sauvegarde de la neutralité : échec des parlementaires, espoir pour les recours devant la justice
Une frange importante de parlementaires américains, notamment démocrates, espéraient la faire annuler avant son entrée en vigueur, en obtenant la majorité des deux chambres contre cette décision : mais le Sénat et la Chambre des Représentants, à majorité républicaine, sont restés du coté de Donald Trump, d’Ajit Pai, président de la FCC, et des opérateurs télécoms.
Restent deux recours possibles : celui qui a le plus de chance d’aboutir est la contestation, sur le fonds, de la décision de la FCC devant les tribunaux. De nombreux spécialistes du droit pensent que cette abrogation de la neutralité du net n’est pas légalement défendable devant une cours de justice. Plusieurs procureurs généraux s’apprêtent à lancer cette offensive judiciaire, qui s’annonce longue mais a de réelles chances de succès.
Huit Etat ont déjà garanti légalement la neutralité du net, 35 sur 50 seraient prêts à le faire
Mais en attendant, certains Etats ont décidé de refuser purement et simplement la décision de la FCC. En mars, le gouverneur de l’Etat du Washington, Jay Inslee, a signé un projet de loi garantissant un Internet ouvert à Seattle et Portland ; il a été imité, en avril, par celui de l’Oregon, Kate Brown.
Ils rejoignent ainsi les gouverneurs du Montana, du New Jersey, d’Hawaii, de New York, de la Californie et du Vermont, qui avaient déposé des lois ou décrets, en février, visant à protéger la neutralité du net sur leur sol.
Des initiatives interdites par la décision de la FCC…
Au total, environ 35 Etats auraient la volonté de mettre en place une législation allant dans ce sens – sur les 50 que comptent l’Union, comme une preuve éclatante que la décision de la FCC est très loin d’être soutenue au niveau local, qu’il s’agisse des autorités ou des citoyens.
Il n’empêche que cette levée générale de boucliers risque de se transformer en un baroud d’honneur pour la forme, qui ne changera rien dans le fonds : la FCC a en effet inclus des clauses dans les mesures contre la neutralité du net entrées en vigueur le 23 avril. Elles interdisent notamment aux différents Etats fédérés de légiférer sur le sujet ou d’avoir des règles différentes des dispositions fédérales. En théorie, chacun de ces décrets ou lois élaborés au niveau d’un Etat peut être invalidé par n’importe quel tribunal compétent.
… et que condamnent fermement le lobby des télécoms, prêt à passer à l’offensive
Et les Etats pourraient très vite trouver du répondant avec USTelecom, le puissant lobby des opérateurs télécoms, regroupant les géants du secteur comme Verizon ou AT&T, mais aussi de plus petits opérateurs ou fournisseurs d’accès. Ils continuent de défendre l’idée selon laquelle la fin de la neutralité du net leur est nécessaire pour générer des revenus leur permettant de « déployer des réseaux toujours plus sophistiqués, plus rapides et de plus grande capacité ».
Face à la fronde des gouverneurs, leur discours se fait particulièrement musclé : « Il ne fait aucun doute que nous contesterons agressivement les tentatives des États ou des municipalités destinées à briser la structure réglementaire fédérale qui a rendu tous ces progrès possibles » a déclaré USTelecom dans un communiqué.
L’avenir de la neutralité du net aux Etats-Unis n’est en tout cas pas encore joué ; mais il se décidera probablement devant un tribunal, d’une façon ou d’une autre.