Franck Riester, récemment nommé ministre de la Culture en remplacement de Françoise Nyssen, vient d’annoncer qu’il était déterminé à conclure rapidement la réforme de la chronologie des médias. Une question brûlante, sur laquelle le législateur pourrait finir par décider seul si les parties prenantes ne parviennent pas à un accord.
A peine nommé ministre de la culture, Franck Riester a tapé du poing sur la table : l’ancien rapporteur de la loi HADOPI veut que la réforme de la chronologie des médias soit bouclée, et rapidement.
Rénover la chronologie des médias est « essentiel »
La dernière mouture date de 2009, il est temps, selon de le ministre, de prendre en compte le nouveau paysage français en la matière, et de faire évoluer ce texte : « C’est essentiel parce que c’est un moyen de tenir compte de la révolution des usages », a déclaré Franck Riester le 23 octobre sur France Inter, en faisant clairement référence au développement des services de vidéos à la demande sur abonnement (SVOD), comme Netflix ou Amazon Prime.
Pour rappel, la chronologie des médias détermine le délai qu’un film doit respecter entre sa sortie en salle et sa présentation sur un autre média (DVD et BlueRay, vidéo à la demande, télévision payante, télévision gratuite, SVOD…). Rappelons également que les sociétés américaines, qu’ils s’agissent des studios de cinéma ou des plateformes comme Netflix ou Amazon, ne sont pas conviés à ces orageux débats.
Intérêt divergeant des différents acteurs
Car les discussions continuent de patiner, les intérêts des différents acteurs de la filière audiovisuelle en France divergeant : les producteurs et distributeurs tiennent à conserver l’exclusivité de la diffusion en salle le plus longtemps possible ; les ayant droits souhaitent que les films soient diffusés le plus largement possibles, sur un maximum de supports, pour générer un maximum de droits d’auteurs ; les chaînes de télévision, Canal+ en tête, souhaitent disposer des contenus le plus rapidement possible.
Autre élément à prendre en compte : la loi oblige Canal+ à dépenser un pourcentage de son chiffre d’affaire dans le pré-achat de films français, ce qui en fait le premier financeur du cinéma français. La chaîne souhaite donc, légitimement, conserver plusieurs coups d’avance sur ses concurrents et présenter les œuvres le plus tôt possible.
L’ombre du piratage
En filigrane, c’est l’ombre du piratage qui plane, et le nouveau ministre de la culture l’a bien compris quand il affirme que réformer la chronologie des médias permettra « d’améliorer la qualité de l’offre légale pour les différents publics ». En effet, un délai trop long entre la sortie en salle d’un film et sa présentation sur des offres légales augmente le risque, pour des spectateurs frustrés de trop attendre, de se tourner vers des offres illégales.
Un accord avait presque été trouvé début septembre, le document a failli été signé. Dans les grandes lignes, il réduisait les délais de diffusions après la sortie en salle (de 4 à 3 mois pour la vidéo et vidéo à la demande, de 10 à 8 mois pour la télévision payante de cinéma), une bonne solution pour limiter les envies de piratage.
Favoriser ceux qui financent l’industrie culturelle française
Concernant la SVOD, le projet définissait six délais différents (15, 17, 28, 30, 35 et 36 mois après la sortie cinéma) ; plusieurs critères permettaient de définir ce délai, tous en lien direct avec le financement du cinéma français – réaliser des investissements directs dans le cinéma, accepter de diffuser un quota d’oeuvres européennes, payer une taxe de 3,5 euros par abonnement pour financer les films français.
Critiqué par certains comme trop complexe, ce système a le mérite de valoriser l’exception culturelle française et la défense de son industrie cinématographique, que fragilisent actuellement des modèles comme NetFlix. D’où l’idée de donner un avantage, en terme de contenus disponibles, aux chaînes et services partenaires du cinéma français.
« La loi pourra trancher ce sujet » : une fermeté de bon aloi
Pour autant, les différents acteurs n’ont pas validé définitivement cet accord. Franck Riester a affirmé qu’il accepterait de retourner à la table de négociation, mais en posant des limites claires : il faut que les différents partenaires comprennent l’urgence de la situation et s’entendent rapidement. Dans le cas contraire, « la loi pourra trancher ce sujet » a menacé le ministre, qui n’exclue donc pas une décision imposée par le législateur.
Une fermeté de bon aloi, qui rassure face aux défis qui attendent Franck Riester sur le front de l’audiovisuel et l’Internet.