Le ralliement de Microsoft au moteur Chromium pour son futur navigateur Internet sonnerait-il le glas de Firefox ? Le navigateur open source développé par Mozilla se retrouve en effet de plus en plus isolé. Il est le seul à utiliser un moteur propriétaire, Gecko. De quoi le fragiliser considérablement. Une raison de plus pour le soutenir !
Firefox tend à devenir le dernier des Mohican. Le dernier navigateur Internet à utiliser un moteur alternatif, développé par la fondation Mozilla – Gecko. Tous les autres navigateurs s’appuient sur Webkit, soit sa version native (Safari, UC, Opera…), soit Blink, son fork développé pour Chromium, le moteur open source à la base de Chrome.
Vers une domination des navigateurs WebKit / Chromium
Les navigateurs de Microsoft (Internet Explorer puis Edge) avaient également leur moteur spécifique. Pour Edge, il s’agissait de EdgeHTLM. Mais il faut désormais parler au passé. Car Microsoft vient d’annoncer que son futur navigateur abandonnerait EdgeHTLM au profit de Chromium.
Une décision commercialement logique : Edge peinait à s’imposer, et l’entreprise engloutissait une énergie considérable à résoudre des problèmes de compatibilité avec des sites testés uniquement pour des navigateurs WebKit ou Chromium. En ralliant le moteur de Chrome, Microsoft rentre dans le rang, s’assure une compatibilité avec l’écrasante majorité des sites développés aujourd’hui.
Mais en prêtant ainsi allégeance à Google, Microsoft laisse aussi Firefox seul. Une solitude dangereuse, car les développeurs seront encore moins enclins à faire des efforts pour rendre leurs sites compatibles avec autre chose que Webkit ou Chromium. De quoi annoncer des mois sombres pour le navigateur.
« La santé d’Internet dépend de la concurrence et du choix »
« Si un produit comme Chromium dispose d’une suffisamment grande part de marché, il devient alors plus facile pour les développeurs web et les entreprises de décider de ne pas se préoccuper que leurs services et sites fonctionnent avec autre chose que Chromium. C’est ce qui s’est passé lorsque Microsoft avait le monopole des navigateurs au début des années 2000, avant la sortie de Firefox. Et cela pourrait se reproduire » a déclaré le président de Mozilla, Chris Beard, dans une note de blog.
Il regrette amèrement le choix de Microsoft. Et rappelle les principes qui président aux développement du navigateur au renard roux : « Nous sommes en concurrence avec Google, non pas parce que c’est une bonne opportunité commerciale. Mais parce que la santé d’Internet dépend de la concurrence et du choix. Elle dépend de la capacité des consommateurs à pouvoir choisir quelque chose de mieux, de différent – et de le soutenir ».
Firefox reste sous les 10% de part de marché
Car Firefox continue de plafonner sous les 10% de l’utilisation des navigateurs, à égalité avec Safari (qui ne peut être installé que sur les Mac) et Edge (que ne peut être installé que sur des PC tournant sous Windows 10). Il ne perd pas de terrain, mais n’arrive pas à en gagner. Et, sur les terminaux mobiles, il n’atteint même pas 1% du marché…
Il se retrouve donc, paradoxalement, sous dépendance financière de… Google. En 2017, 89% des 562 millions de dollars de revenus de la Mozilla Corporation provenaient des redevances sur les moteurs de recherche. Yandex est le moteur de recherche par défaut de Firefox en Russie, et Baidu en Chine. Mais dans tout l’Occident, il s’agit, depuis la résiliation de l’accord entre Mozilla et Yahoo en 2017, de Google.
2020, l’année cruciale
Les accords de Mozilla avec les moteurs de recherche, dont Google, arrivent à échéance en novembre 2020. Les deux années à venir seront cruciales. D’abord parce que les parts de marché de Firefox vont déterminer la base de négociation financière avec les moteurs de recherche. Ensuite parce que Google aura la possibilité, à cette date, d’achever Firefox en ne renouvelant pas son contrat.
C’est donc maintenant que le petit renard a besoin de vous. La mission de Firefox est salutaire, parce qu’elle propose une alternative, solide et opérationnelle, à la domination sans partage de Google. Alors, si vous êtes un défenseur d’un web ouvert, curieux, créatif, multiple, pluriel et que vous lisez cette page depuis Chrome, Safari ou Edge… Vous savez ce qu’il vous reste à faire !