Après des mois de débats et de polémique, la directive sur le droit d’auteur à l’ère du numérique a été publiée au Journal Officiel de l’UE, le 20 mai 2019. Prévoyant notamment une défense accrue des ayants droits dont les œuvres sont reprises cités sur les plateformes, notamment YouTube, elle devra être retranscrite dans la législation des pays membres d’ici juin 2021. La France a déjà pris de l’avance.
Une véritable foire d’empoigne. Les négociations autour de la directive européenne « sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique » , publiée au Journal Officiel de l’Union Européenne le 20 mai 2019, ont été longues et complexes. Elles ont surtout été l’occasion pour les GAFA de se jeter dans la bataille, et de mobiliser leurs utilisateurs pour défendre un Internet « libre ». Les géants du net, Google en tête, reprochaient à la directive de brider la création numérique, en particulier sur YouTube.
La fin de l’impunité pour les plateformes comme YouTube
Jusqu’ici, les plateformes de ce type étaient considérées comme de purs hébergeurs de contenus, sans aucune responsabilité sur le caractère légal ou non de ce contenu. YouTube et les autres réseaux sociaux avaient l’obligation de retirer un contenu s’il était signalé comme violant les droits d’auteur. Mais en aucun cas de vérifier ou contrôler ce qu’ils hébergeaient.
Les plateformes sont donc responsables devant la loi uniquement dans le cas où un contenu illégal leur est signalé, et qu’elles ne le retirent pas. Une situation qui convient parfaitement au business model des géants du net : leur stratégie a toujours été de se déresponsabiliser, en se présentant comme purs intermédiaires et, partant, parfaitement innocents de tout ce qui pourrait transiter d’illégal sur leurs écrans.
Une autorisation préalable des ayant-droit
Avec cette directive, la situation va légèrement changer. L’article 17 en est le cœur, et la pomme de discorde. Il prévoit en effet que les « fournisseurs de services de partage de contenus en ligne » devront préalablement obtenir l’autorisation des auteurs et ayants droit, par exemple en concluant un accord de licence, pour communiquer ou mettre à la disposition du public des contenus protégés par le droit d’auteur.
Contrairement aux craintes des Cassandre qui hurlaient à la fin de la création et de la liberté sur YouTube, le texte n’oblige pas les plateformes à filtrer les contenus mis en ligne. La directive laisse chaque plateforme libre et responsable des moyens qu’elle va employer pour vérifier la légalité des contenus qu’elle héberge.
En cas de litige, c’est aux plateformes de prouver qu’elles respectent la loi
Point capital, en matière de droit : si des contenus illicites sont repérés sur ces plateformes, ce sont elles qui devront prouver qu’elles ont tout fait pour trouver un accord et rendre la publication légale, et, le cas échéant, qu’elles ont agi immédiatement pour bloquer les contenus et empêcher leur mise en ligne à l’avenir. En clair : en cas de contenu illégal, les plateformes seront a priori responsables, sauf si elle prouve qu’elles ne le sont pas.
Pour autant, l’utilisation de contenus protégés par le droit d’auteur ne va pas être banni d’Internet. Détournement et citations demeureront autorisés – les GIF, les mèmes et les critiques resteront possibles ! La directive prévoit en effet une exception permettant le libre partage des œuvres à des fins de citation, critique, revue, caricature ou parodie.
Autre exception : le principe ne s’appliquera pas aux plateformes accessibles depuis moins de 3 ans, et dont le chiffre d’affaire est inférieur à 10 millions d’euros. Les structures n’ayant pas les moyens de faire les vérifications qui s’impose n’y seront, logiquement, pas obligé.
Entrée en vigueur pour juin 2021 au plus tard, sans doute dès 2020 en France
La directive entrera en vigueur 20 jours après sa publication au JO, soit le 7 juin 2019. A compter de cette date, les Etats membres auront deux ans pour les transposer dans leur droit national. Sans surprise, la France, grande protectrice des droits d’auteur devant l’éternel, devrait agir promptement.
Une partie de la directive (sur le droit d’auteur des articles de presse numérique) a même déjà été transposée dans le droit français. Et l’ensemble du texte, en particulier le crucial article 17, devrait être intégré à la loi sur l’audiovisuel, en cour de travail, et prévue pour 2020.