Un décret américain, publié la semaine dernière, place Huawei dans la liste des entreprises chinoises ne pouvant échanger de technologies avec les Etats-Unis. Les conséquences sont lourdes pour le constructeur chinois, entre les composants dont il risque d’être privé (fabriqués par ARM, Qualcomm, Broadcom…) et le retrait par Google de sa licence Android. Pour autant, la Maison Blanche a entrouvert la porte à une levée de sanctions, en cas d’accord commercial avec la Chine…
La tourmente dans laquelle est actuellement pris Huawei est symptomatique de la gouvernance imposée par Donald Trump depuis qu’il est président des Etats-Unis : elle mêle, constamment, des considérations de sécurité nationale et de guerre économique. Comme si espionnage et concurrence étaient deux faces d’une même pièce.
Etats-Unis vs Chine : guerre commerciale à outrance
Ces derniers mois, les Etats-Unis et la Chine se sont en effet lancés dans une véritable guerre commerciale, qui a pris une ampleur grandissante. Début mai, Washington a ainsi augmenté de 10 à 25% les droits de douane sur 200 milliards de dollars d’importations chinoises aux Etats-Unis. Pékin a répliqué d’une hausse de 60 milliards des taxes sur les produits américains vendus en Chine.
En réponse, Donald Trump a menacé d’étendre sa hausse à 25% sur 300 milliards de dollars d’importations supplémentaires. Dans cette véritable partie de poker menteur, les deux superpuissances se rendent coup pour coup, et aucune ne veut être celle qui cédera.
Huawei accusé d’être le cheval de Troie de la Chine
Parallèlement à cette tension commerciale grandissante, Washington a multiplié les actes de défiance envers Huawei. Le constructeur chinois est fortement soupçonné d’être le cheval de Troie du gouvernement chinois, et de distiller des portes dérobées dans ses produits, afin de faciliter le travail des espions chinois. Si ces allégations n’ont jamais pu être formellement prouvées, elles sont prises au sérieux par de nombreux gouvernement de par le monde. Plusieurs pays ont notamment choisi d’exclure Huawei des expérimentations sur la 5G.
Ces deux problématiques, pourtant a priori distinctes, semblent liées, dans l’esprit de la Maison Blanche. Si bien que les sanctions qui viennent de frapper Huawei sont vues comme une conséquence directe de l’absence d’accord commercial entre Etats-Unis et Chine.
Liste noire
Mi-mai, Washington a ainsi publié un décret classant Huawei dans une liste noire d’entreprises chinoises, avec lesquelles les groupes américains ont interdiction d’échanger des technologies. En quelques jours, une ribambelle d’entreprises américaines ont réduit ou retiré leurs licences commerciales avec Huawei. Cela concerne essentiellement les fabricants de composants, comme ARM, Broadcomm ou Qualcomm, et les éditeurs de logiciels, au premier chef Google.
Huawei a ainsi perdu le droit d’utiliser la version finale d’Android, qui équipait pourtant l’ensemble de ses smartphones. Le constructeur chinois hésite aujourd’hui entre un recours à la version open source d’Android, ou une généralisation de son système d’exploitation maison. Avec, dans les deux cas, des problèmes de compatibilité ou de disponibilité avec les applications stars développées par des entreprises américaines.
Sanctions levées en cas d’accord commercial ?
« Huawei est très dangereux. Vous regardez ce qu’ils ont fait du point de vue de la sécurité, du point de vue militaire. Très dangereux » a déclaré avec son style (heureusement) inimitable le président américain Donald Trump lors d’une conférence de presse à la Maison Blanche.
Mais le plus étonnant est venu ensuite. Alors qu’il venait de pointer les dangers de Huawei pour la sécurité intérieure du pays (une position légitime), le président américain a évoqué la possibilité de lever les sanctions. En cas… d’accord commercial avec la Chine ! « Si nous faisions un marché, je pourrais imaginer que Huawei pourrait être inclus dans une forme ou une partie de ce marché « , a ainsi déclaré Donald Trump.
Une étranger gouvernance
Difficile de voir en quoi une modification des droits de douane changerait quoi que ce soit au danger qu’incarne (ou pas) Huawei.
Cela peut signifier deux choses. Soit les sanctions contre Huawei sont purement commerciales, et les risques de sécurité ne sont qu’un prétexte. Soit Donald Trump pense sérieusement qu’en cas d’accord commercial, la Chine renoncera à espionner les Etats-Unis. Cela renforce donc encore ce sentiment d’une gouvernance à l’emporte-pièce, manquant de cohérence et de logique.