Aux Etats-Unis, l’Electronic Frontier Foundation (EFF), une association de défense des droits civils dans le domaine du numérique, a demandé à la justice américaine de rendre public un jugement émis dans une affaire où le gouvernement demandait à Facebook de limiter le chiffrement des conversations sur Messenger. Le cas est en effet crucial pour le duel, éternel, entre les défenseurs des enquêtes de police et ceux des libertés individuelles…
L’affaire est fondamentale pour les défenseurs des droits civils et des libertés individuelles aux Etats-Unis. Pour la comprendre, il faut remonter en 2018. A cette date, le Ministère américain de la Justice demande à Facebook de casser ses normes de chiffrement, afin de pouvoir accéder à des conversations, via Messenger, de membres d’un gang international.
Quand le Ministère de la Justice demande à Facebook de décrypter Messenger…
La demande s’appuyait sur une loi, nommée le Wiretap Act, qui permet à la justice, dans certaines circonstance, d’intercepter des conversations orales. Une loi édictée bien avant l’émergence d’Internet et des communications numériques. Et qui n’a pas été mise à jour depuis, rendant son interprétation particulièrement peu claire aujourd’hui.
Facebook a refusé, arguant que le chiffrement des conversations était une nécessité absolue pour défendre la vie privée de ses utilisateurs, et notamment pour éviter toute incursion malveillantes. Le Ministère de la Justice a alors tenté de faire condamner Facebook pour entrave à la justice. Mais le juge chargé de l’affaire avait rejeté cette demande des autorités.
Connaître les détails d’un jugement clé
Du coté des militants des droits civils, ce jugement a été vécu comme une victoire. Mais le jugement a été placé sous scellé. Provoquant l’ire d’une association de défense des droits individuels dans le domaine du numérique, l’Electronic Frontier Foundation (EFF). « Le public n’a aucun moyen de savoir comment le gouvernement a tenté de justifier sa demande ni pourquoi le juge l’a rejetée – ce qui pourrait affecter la capacité des utilisateurs à protéger leurs communications des regards indiscrets » a déclaré l’association.
L’EFF, l’American Civil Liberties Union (ACLU) et Riana Pfefferkorn, experte en cybersécurité à Stanford ont donc décidé d’attaquer le Ministère de la Justice, demandant la publication du jugement. La requête a d’abord été rejetée. Et, ce mercredi 12 juin 2019, les plaignants ont fait appel de cette décision, et ont réclamé, à nouveau, de dévoiler les documents mettant en lumière le jugement en question.
L’EFF veut éviter le développement d’un « corps de lois secret pour accéder aux communications chiffrées et surveiller les Américains »
L’enjeu est en effet de taille : ce jugement pourrait faire jurisprudence. Pour les défenseurs des droits civils, il est fondamental de s’assurer que le gouvernement ne pourra pas, quoi qu’il arrive, accéder aux conversations chiffrées des citoyens. Cette affaire dépasse même ce cadre : car si Facebook (ou autre) étaient forcé, comme les autorités américaines le souhaitent depuis des années, de placer des portes dérobées dans son système de cryptage, elles pourraient aussi être utilisées par des hackers, et compromettre ainsi la sécurité de ces communications.
Le bras de fer n’est pas neuf, depuis l’affaire Apple contre le FBI à propos d’un iPhone verrouillé. « Le gouvernement ne devrait pas être en mesure de s’appuyer sur un corps de lois secret pour accéder aux communications chiffrées et surveiller les Américains. Nous demandons à la cour de déclarer que chaque Américain a le droit de connaître les règles régissant les personnes qui peuvent accéder à leurs conversations privées » a déclaré l’avocat général de l’EFF, Aaron Mackey.
Cette demande semble en effet plus que légitime. Connaître ce cadre légal, pour l’accepter ou le remettre en question, semble un minimum dans un Etat de droit. Reste à savoir de quelle oreille l’entendra la justice américaine.