Retour sur l’arrestation, en mai 2019, de sept personnes impliquées dans une vaste affaire de streaming illégal centré sur les séries télévisées. Douze sites étaient concernés, 2 millions de fichiers étaient hébergés par le « cerveau » de l’affaire, un étudiant de 22 ans à l’université de Besançon. Le procès s’ouvrira en novembre.
C’est une petite bande organisée dans le streaming illégal qui a été démantelée, en mai 2019, suite aux efforts du laboratoire d’investigation opérationnel du numérique (LION) de la police judiciaire de Dijon.
Au départ : un signalement de l’ALPA
« Tout est parti d’un signalement de l’ALPA, l’association de lutte contre la piraterie audiovisuelle, qui a détecté fin 2017 la montée en puissance d’un site de streaming illégal baptisé Seriesfr.eu, dont les serveurs étaient hébergés aux Pays-Bas et aux États-Unis », expose le procureur de Besançon en charge de l’affaire, Etienne Manteaux. Une plainte de la SACEM a suivi.
L’enquête préliminaire a été confiée au Laboratoire d’Investigation Opérationnelle du Numérique de la Police Judiciaire (DIPJ) de Dijon. Elle s’est rapidement étendue à une véritable galaxie de sites, tous diffusant des séries françaises et étrangères : en tout, douze sites étaient concernés, dont series-en-streaming.tv, seriefr.eu, seriefr.xyz, full-stream.ws ou dpstream.co.
Un étudiant de 22 ans à la tête d’un empire de 12 sites illégaux diffusant des séries
Les activités de cette petite bande remontent à 2015, même si le Twitter du site principal a été créé en octobre 2014. Mais les faits couverts par l’enquête des forces de l’ordre dijonnaise démarrent en 2017. « Médiamétrie a pu nous permettre de connaître l’audience du site principal. Il pouvait atteindre 700 000 visiteurs uniques par mois » souligne Frédéric Delacroix, Délégué général de l’ALPA.
Le cerveau de l’affaire est un étudiant de 22 ans en Master 2 d’informatique-robotique de l’Université de Franche-Comté. Il a créé les sites, les a alimentés, en a fait la promotion sur les réseaux sociaux (Twitter et Facebook) et a touché les revenus publicitaires qu’ils généraient.
Curiosité : il hébergeait lui-même les fichiers de ses sites, fournis par six complices
Fait étonnant, il hébergeait lui-même l’ensemble des fichiers hébergés par les différents sites. C’est la première fois qu’un tel mode opératoire est repéré en France. En tout, 2 millions de fichiers (plus de 500 séries) étaient cachées dans des serveurs Cloudflare aux Pays-Bas, aux Etats-Unis et en Suisse.
Les six autres personnes arrêtées, à Montpellier, Rennes et Strasbourg, âgées de 19 à 36 ans (deux étaient mineurs au moment des faits), étaient les contributeurs des différents sites. Leur rôle : récupérer les épisodes via des plateformes de Peer-to-Peer, puis les transmettre à l’étudiant bisontin, qui les rémunérait pour cela.
Certains d’entre eux gagnaient ainsi plusieurs milliers d’euros par an, via PayPal ou en Bitcoin. Le plus gros contributeur aurait amassé plus de 10 000 euros.
Des régies publicitaires peu regardantes…
L’étudiant à la tête de ce petit empire du streaming engrangeait des revenus publicitaires via plusieurs régies, situées à l’étranger, en Espagne, Israël ou Estonie, dont la plupart sont connues pour n’être regardantes ni sur les sites diffusant leurs annonces, ni sur le contenus des annonces elles-mêmes. Elles diffusent tout aussi bien des publicités pour des produits de grandes marques que des annonces pour des faux logiciels, des faux services techniques et autres arnaques en ligne.
Autre technique de rémunération pour ce business : l’étudiant utilisait les ordinateurs des visiteurs de ses sites pour miner des crypto-monnaie. En tout, entre 2017 et 2019, il a amassé 200 000 euros de revenus publicitaires et 8 Bitcoin (72 000 euros). La crypto-monnaie a été saisie par l’Agrasc (Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués).
Les prévenus risquent gros : le streaming illégal ne paie pas !
Les deux mineurs ont déjà comparu devant le tribunal pour mineurs de Dijon, en juin 2019. Aucune information sur les éventuelles condamnations n’a filtrée. Les cinq personnes majeures interpelés, dont le cerveau de l’affaire, seront jugées en novembre 2019. Le facteur aggravant de bande organisée a été pris en compte par la justice. L’amende peut aller jusqu’à 750 000 euros.
La SACEM salue « un excellent travail des autorités spécialisées ». Même si ce coup de filet est loin de mettre un terme au fléau du streaming illégal en France.