Impossible d’ignorer le poids des GAFAM dans l’économie mondiale aujourd’hui. Les 5 géants du web sont plus valorisés que le montant du PIB du Royaume-Uni ou de la France. En moins de 20 ans, la domination monopolistique qu’ils exercent, sans contrepartie ni sociale ni fiscale, inquiète. Comment les encadrer ?
Les chiffres donnent le vertige. Avec une capitalisation boursière avoisinant les 1000 milliards de dollars pour chacun des GAFAM, un nombre d’utilisateurs toujours croissant (2,4 milliards d’utilisateurs actifs par mois pour Facebook) et des secteurs d’activité toujours plus larges (vente en ligne, réseau social, cloud, régie publicitaire…), leur influence est tentaculaire. Mais leur contribution à la société en termes d’emplois et de fiscalité est quantité négligeable, vis-à-vis de leurs poids.
Sur l’emploi, des chiffres trompeurs
Avec 647 500 salariés en 2018, Amazon fait, à première vue, figure de champion de l’emploi. Le leader de la vente en ligne ouvre régulièrement de nouveaux entrepôts. Des chiffres qui devraient réjouir tous les acteurs du marché. Mais ce n’est pas le cas, car ce sont souvent des chiffres en trompe l’œil. En cause, le statut et les conditions de travail très précaires.
En première ligne : les cadences de travail infernales. Afin de garantir aux clients la livraison la plus rapide, l’organisation de travail est optimisée. A chaque commande, les employés doivent trouver, scanner, et prélever les produits dans les entrepôts en un temps record. Toutes les données de productivité sont analysées. Les employés les plus lents sont recadrés immédiatement, ou licenciés quand leur statut est précaire, comme les intérimaires (recrutés en nombre lors des grosses échéances). Les conséquences, rapportées en nombre par les organisations syndicales, sont dramatiques : les arrêts maladie, le stress, et les accidents de travail augmentent toujours plus. La direction d’Amazon fait la sourde oreille, arguant au contraire de conditions de travail très avantageuses.
Ces méthodes ont fait leurs preuves : Amazon est le premier distributeur non-alimentaire en France. Mais pour garder ce statut et gagner de nouvelles parts de marché, la société se projette déjà dans le futur : ouverture de magasins en self-service sans caissier, livraison de produits par drones automatisés, robotisation des tâches dans les entrepôts. Rien de très prometteur en termes d’emplois.
Une fiscalité avantageuse
Autre problème : la fiscalité ou plutôt l’absence de fiscalité. Aux Etats-Unis, le Président Trump est même monté au créneau en accusant Amazon de causer de graves préjudices aux commerçants qui paient des impôts. Il faut dire que les GAFAM sont aussi les champions de l’optimisation fiscale, grâce à leurs services vendus dématérialisés. À titre d’exemple, une société implantée en France qui vend un produit à un client français est imposée à 33%, quand ce taux est de 12,5% quand le siège de la société est implanté en Irlande… Comme Google, Apple ou Facebook. Dans ces conditions, impossible pour la concurrence de rivaliser… L’obligeant à licencier, ou fermer.
La régulation : une urgence
Depuis janvier, les pouvoirs publics étudient comment encadrer ces abus. L’objectif ? Réussir à intégrer une fiscalité plus juste et plus efficace pour tous.
La plus discutée des solutions est celle d’un impôt qui permettrait de taxer les entreprises en fonction du lieu où est réalisé le chiffre d’affaires. La France essaie de mettre en place cette mesure au sein de l’Europe, mais elle rencontre de nombreuses oppositions, notamment de l’Irlande, gagnante grâce à sa politique fiscale avantageuse. D’autres solutions sont actuellement proposées dans le cadre du PLF 2020, comme l’extension de la TASCOM à Amazon, que le gouvernement et le Rapporteur général du Budget à l’Assemblée seraient bien inspirés de soutenir. L’amendement adopté in extremis permettrait en effet de mettre en place une véritable équité fiscale pour les commerces physiques – une nécessité impérieuse au vu des pertes d’emplois engendrés par l’e-commerce. Longtemps appelée de ces vœux, cette solution devrait permettre à ses homologues physiques de souffler – et redynamiser par là même des centres-villes sinistrés. Il est pourtant urgent d’aller plus loin, et de ne pas céder face aux pressions internationales face à un dossier éminemment politique.
Enfin, la société civile, consciente des pratiques déloyales des GAFAM, montre de plus en plus d’initiatives pour tenter de changer les choses (ventes responsables, circuits courts…). À l’image du Grand Barouf, salon ayant eu lieu à Lille en 2019, et qui a réuni différentes associations de défense des libertés numériques autour d’une problématique : réinventer une société numérique plus vertueuse.