Après PayPal, ce sont Mastercard, Visa, Stripe et eBay qui ont décidé de quitter le navire Libra, la crypto-monnaie initiée par Facebook, sous le coup des critiques et des menaces d’interdiction. Avis de grosse tempête sur le projet chéri par Mark Zuckerberg.
Libra est au cœur de la tempête. Le projet de crypto-monnaie, en pleine phase de développement, subit une averse de critiques, notamment des personnels politiques, un peu partout dans le monde.
Libra, une crypto-monnaie initiée par Facebook, mais sans organe de régulation
Initiée par Facebook, Libra n’est pas pour autant la propriété du réseau social, puisqu’une crypto-monnaie est adossée à une blockchain, ce qui la prive d’organe de régulation central. Elle est portée par ses membres fondateurs (28 à l’origine, 23 aujourd’hui), qui doivent chacun apporter 10 millions de dollars et qui, surtout opèrent la coordination des nœuds de validation et gèrent la réserve pour préserver sa valeur.
Facebook se « contentera » de développer un porte-monnaie électronique et une plateforme de service autour de cette monnaie, Calibra – mais n’aura, de fait, aucun pouvoir sur son évolution.
Levée de boucliers
Pour autant, les très hautes ambitions de Libra posent de graves questions. Le BitCoin a été vivement critiqué, notamment au moment de sa hausse vertigineuse, pour son impact sur le système monétaire international : une monnaie décentralisée et sans régulation, donc sans aucun pouvoir politique pour la contrôler, pose forcément problème.
Mais le BitCoin n’a pas les moyens d’expansion de Libra, qui veut devenir un outil de paiement international et une valeur refuge pour les pays dont les monnaies n’ont pas de stabilité. Les levées de boucliers étaient inévitables. Le Ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a indiqué que la France poserait son veto à l’autorisation du développement de Libra en Union Européenne.
Aux Etats-Unis, deux sénateurs, Brian Schatz et Sherrod Brown, ont envoyé, le 8 octobre 2019, une lettre ouverte à plusieurs partenaires du projet pour leur conseiller de « bien réfléchir à la manière dont Facebook gèrera les risques avant de poursuivre ». Mark Zuckerberg est d’ailleurs attendu le 23 octobre devant la Commission des services financiers de la Chambre des représentants pour répondre à une série de questions.
PayPal, Visa, Mastercard, Stripe et eBay quittent l’aventure
Assez logiquement, ces pressions venus de l’exécutif ont été particulièrement efficaces sur les sociétés gérant des moyens de paiement. PayPal a été le premier à quitter l’aventure, dès le 6 octobre.
Et, dans la foulée de la lettre des sénateurs, le week-end du 12-13 octobre, quatre autres membres fondateurs ont annoncé leur défection. Trois autres moyens de paiement (Visa, Mastercard, Stripe) et un site d’e-commerce (eBay) : « À l’heure actuelle, nous concentrons nos efforts sur le déploiement de l’expérience de gestion des paiements eBay pour nos clients » a justifié l’équipe de communication du site.
« Satisfaire pleinement toutes les attentes réglementaires requises »
Pour les spécialistes du paiement, ce départ pourrait n’être qu’un au revoir. Tous annoncent être attentifs à l’évolution de la crypto-monnaie, et n’excluent pas de la rejoindre une fois que certains doutes seront levés.
Visa est le plus explicite en la matière : « nous continuerons à observer et notre décision finale sera déterminée par un certain nombre de facteurs, notamment la capacité de l’Association à satisfaire pleinement toutes les attentes réglementaires requises ».
Un chant d’amour de Xavier Niel
Du coté de Libra, si on admet que cette défection est une mauvaise nouvelle, on veut la limiter au court terme. L’avenir de la crypto-monnaie n’est pas remis en question, d’après David Marcus, cocréateur de Libra et responsable de Calibra pour Facebook : » La pression a été intense et je respecte leur décision d’attendre jusqu’à ce que la réglementation soit claire pour que Libra aille de l’avant. »
En France, Libra a missionné son membre le plus médiatique, et l’un des plus ardents défenseurs de la crypto-monnaie, en la personne de Xavier Niel, qui a signé une déclaration d’amour dans Les Echos : « Libra est simplement une proxi-monnaie, c’est-à-dire une monnaie qui repose sur des devises déjà existantes au prorata de leur usage dans le commerce mondial. Ce système est structurellement plus stable, une valeur refuge dans de nombreux pays en cas d’instabilité monétaire. C’est aussi une alternative à des projets non régulés ou politiquement motivés. »
De quoi convaincre les responsables politiques et lever les réticences ? On n’en jurerait pas.