A l’aube du déploiement des réseaux 5G en Europe (et en particulier en France), la Commission Européenne, par la voix de son commissaire au marché intérieur Thierry Breton, a rappelé aux Etats et aux opérateurs qu’ils seraient pleinement responsables s’ils choisissent de se tourner vers un fournisseur « à haut risque », notamment fortement lié à un Etat. Tous les regards se tournent vers Huawei. Et, en France, vers SFR et Bouygues Telecom, partenaires historiques du constructeur chinois.
Huawei est toujours au cœur des controverses sur le déploiement de la 5G dans le monde, et notamment en Europe. Le constructeur est ainsi accusé depuis plusieurs années d’une collusion dangereuse avec l’Etat chinois, qui en ferait son cheval de Troie vers les systèmes informatiques occidentaux.
Huawei, champion de la 5G, mais trop proche du gouvernement chinois
Ces soupçons ont conduit les Etats-Unis, par la volonté de leur président Donald Trump, à imposer de lourdes sanctions à Huawei (partenariat interdit avec Google sur le smartphones du constructeur, exclusion du déploiement de la 5G outre-Atlantique, entre autres).
Pour autant, Huawei investit dans la 5G depuis de longues années et dispose d’équipements de très haut niveau, à des prix très attractifs, qui en font, d’un point de vue technique, un partenaire idéal pour déployer des infrastructures 5G. De quoi donner envie à des opérateurs de travailler avec le controversé constructeur chinois.
La Commission Européenne met en garde contre les fournisseurs 5G « à haut risque »
Si plusieurs Etats, le Royaume-Uni en tête, ont décidé d’interdire purement et simplement à leurs opérateurs d’utiliser des équipements de Huawei dans leur déploiement de la 5G, la Commission Européenne a publié, fin janvier, une liste de critères à respecter par les fournisseurs de 5G pour ne pas être considérés comme « à haut risque ». Sans nommer Huawei, en laissant chaque Etat ou opérateur tirer ses propres conclusions. Mais, clairement, dans l’esprit de la Commission, Huawei est un « fournisseur à haut risque ».
L’Union Européenne n’interdit donc pas de l’utiliser, mais rejette la responsabilité d’éventuels problèmes sur ceux qui en auront fait le choix, comme l’a confirmé le commissaire au marché intérieur Thierry Breton, ce lundi 2 mars 2020 sur le plateau de BFMTV : « Sur les réseaux 5G, on va développer des applications nouvelles, totalement critiques, comme la gestion d’une flotte de véhicules ou la gestion d’une usine ou d’un hôpital. Ce qui fait que les Etats et la Commission ont indiqué vouloir accueillir tout le monde mais selon nos critères. Les 27 Etats, à l’unanimité, ont décidé des critères pour qualifier ce que serait un fournisseur à haut risque. Chacun se reconnaîtra, ces critères sont très précis et permettent désormais à chacun de décider quel fournisseur est à haut risque ou pas ».
Les opérateurs seront responsables en cas de soucis avec les équipements de Huawei
Toujours sans nomme Huawei, il a ainsi clairement visé le constructeur chinois : « Si jamais on a recours à un fournisseur qui lui-même est dépendant d’un Etat et qui peut faire courir un risque pour les données qu’il opère, ce sera très ennuyeux d’autant que la responsabilité des conseils et des administrateurs est, depuis le lancement du RGPD, potentiellement appelable », précise Thierry Breton.
Avant d’enfoncer le clou : « Sans parler des clients qui vont utiliser ces réseaux et qui vont avoir la responsabilité, par exemple, d’une flotte de véhicules connectés. Si jamais il y a un problème, on va leur demander pourquoi avoir choisi tel ou tel opérateur, donc c’est toute la chaîne qui est aujourd’hui responsable », conclue le Français.
La défense appelle SFR et Bouygues Telecom à la barre
En France, justement, Orange et Free ne se sentiront pas visés, puisqu’ils ont décidé de déployer leurs réseaux 5G avec, respectivement, Nokia et Ericsson, et Nokia seul. En revanche, SFR et Bouygues Telecom sont deux partenaires historiques de Huawei, qui comptaient prolonger ce partenariat sur leurs réseaux 5G.
Les deux opérateurs sont d’ailleurs récemment monté au créneau pour défendre Huawei : SFR a demandé des compensations financières si la France lui interdisait de travailler avec le constructeur chinois, alors que Bouygues Telecom a affirmé qu’une telle interdiction engendrerait une distorsion de la concurrence sur le marché français. Peu de chances que la sortie de Thierrry Breton provoque donc des torrents de joie dans les états-majors des deux opérateurs…