Ce jeudi 5 mars 2020, cinq hommes ont comparu devant le tribunal correctionnel de Rennes pour avoir administré plusieurs sites de streaming sportif illégal entre 2014 et 2018. Les ayants-droits leur réclament près de 30 millions d’euros de dommages et intérêts.
Les procès de sites de streaming illégal se poursuivent, en France, à intervalle régulier. Quelques semaines après ce petit génie de l’informatique qui avait constitué une galaxie de sites dédiés au streaming de films et de série, en Franche-Comté, c’est au tour de cinq hommes d’une quarante d’année de comparaître, le jeudi 5 mars 2020, devant le tribunal correctionnel de Rennes, pour du streaming d’événements sportifs en direct, notamment des matchs de football.
Une galaxie de 30 sites dédiés au streaming sportif illégal
« On ne parle pas de deux ou trois captations de programmes entre copains », lance le président du tribunal, François Lavallière. En effet, ce sont pas moins de 30 sites différents qui ont été créé par Olivier O., principal accusé de cette affaire.
Il s’est lancé dans le streaming en 2011 avec un de ses anciens collègues de travail, Yannick T., un informaticien de 42 ans. Ils utilisaient un logiciel leur permettant de capter les flux vidéo de leurs abonnements à Canal +, BeIN Sports ou RMC Sports, pour les transmettre à un serveur, et les mettre ensuite en ligne, en direct durant les matchs, sur les différents sites qu’ils contrôlaient.
Des visiteurs « bombardés » de publicités
Cette offre était complété par des liens vers d’autres sites proposant des streamings de chaînes étrangères. L’ensemble était agrémenté de publicités, dont les visiteurs étaient « bombardés », selon les mots des enquêteurs. Une affaire lucrative – très lucrative.
Entre 2014 et 2018, les enquêteurs sont parvenus à identifier près de 230 000 euros versés par une cinquantaine de régies publicitaires à Olivier O. « Tous les revenus que vous voyez là, ce n’est pas que du streaming », a affirmé Olivier O., qui prétend qu’une partie de l’argent provenait de sites légaux. « J’arrivais pas à faire la différence entre les deux, j’étais pas assez ordré », tente-t-il de justifier.
Des prétendus « passionnés » de foot, mais avec des comptes aux Îles Vierges !
Il n’avait, en revanche, aucune difficulté d’ordre pour gérer la manne amassée par ces activités. Il avait ainsi créé des comptes en Suisse et aux Îles Vierges – et est donc poursuivi pour blanchiment d’argent. Il a acheté une maison, un « ensemble immobilier », a voyagé aux Seychelles, au Sénégal, en Guadeloupe et à l’île Maurice. Les enquêteurs ont saisi environ 280 000 euros en numéraire et en biens.
Il a tenté de mettre cet appât du gain sur le comptes de son amour du sport : « On est avant tout des passionnés. Je suis un passionné de foot mais je ne le regarde même pas à la télé. A la radio, c’est dix fois mieux. »
Son ancien collègue a fait preuve de moins d’aplomb à la barre : « Pour moi, c’était pas interdit. J’avais pas conscience », expose Yannick T., qui a tout de même touché 55 000 euros en quatre ans pour administrer les sites et diffuser des matchs.
Canal + réclame 29,9 millions d’euros de dommages et intérêts
Les trois autres prévenus n’ont jamais rencontré les deux « cerveaux » de l’affaire, ils s’étaient rencontré via des forums de discussion. Ils ont effectué un travail de diffusion ou de modération, contre des rémunérations modestes – voire pas de rémunération. L’un d’entre eux a affirmé avoir agi « dans l’esprit Robin des Bois », car « il y avait plein de gens qui n’avaient pas les moyens de payer des abonnements ».
« Ce n’est pas une petite affaire, un petit site internet », a répondu Me Richard Willemant, avocat de Canal +, à l’origine de la plainte et du procès. BeInSport et RMC Sport se sont portées parties civiles, mais c’est bien Canal + sui réclame aux prévenus 29,9 millions d’euros de dommages et intérêts.
Suivant les matchs, le streaming illégal représente entre 10 et 20% des audiences télévisées. Et la tolérance zéro semble être de mise, désormais, contre les créateurs de ces sites aux confortables revenus publicitaires.