Tous les acteurs de l’audiovisuel, en particulier la Hadopi, s’accordent sur ce point : 2020 aura été l’année du rebond pour le piratage audiovisuel. Après des années de baisse régulière, il a fortement progressé suite au premier confinement, et la tendance ne s’est pas ralentie depuis. Pour autant, des signaux indiquent que la riposte s’organise, elle aussi.
La pandémie de Covid-19 a porté un rude coup à la lutte contre le piratage audiovisuel en France. Le confinement a provoqué un retour de vieux réflexes, qu’il s’agisse de streaming, d’IPTV, ou même de téléchargement.
« On a perdu un an de lutte contre le piratage avec le coronavirus »
« On a perdu un an de lutte contre le piratage avec le coronavirus. Le piratage avait bien baissé en fin d’année 2019, début 2020. On était passé sous la barre des 10 millions de personnes », pointe Pauline Blassel, secrétaire général de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi).
Les chiffres sont éloquents : toutes les formes de piratage sont reparties à la hausse durant le confinement, à l’exception du streaming sportif, et pour cause : la quasi-totalité des compétitions sportives étaient à l’arrêt. Mais c’était reculer pour mieux sauter : le streaming sportif illégal a atteint des niveaux records en août 2020, surfant sur la phase finale de la Ligue des Champions et le retour très attendu de la Ligue 1.
Les mondes de la culture et du sport, des victimes particulièrement vulnérables en ce moment
Pour le mois d’août 2020, la Hadopi détaille les technologies utilisées par les personnes regardant illégalement des contenus protégés : 28% en live-streaming, 26% en téléchargement de pair à pair, 50% en téléchargement direct et 59% en streaming.
Cette recrudescence n’a rien d’étonnant, elle accompagne une consommation beaucoup plus fortes de contenus audiovisuels chez soi depuis le début de l’épidémie – YouTube, Netflix ou Disney + ont d’ailleurs vu leurs audiences exploser, alors que leur émergence avait justement aidé à faire baisser le piratage. La baisse du pouvoir d’achat de nombreux ménages peut également jouer dans ce retour de flamme du piratage audiovisuel.
Pour autant, les victimes réelles du piratage sont toujours les mêmes, en bout de chaîne, à savoir les mondes de la culture (notamment du cinéma) et du sport, y compris amateur. Or, il s’agit de deux des secteurs les plus gravement touchés par les effets de la crise sanitaire.
La loi audiovisuelle (re)programmée pour 2021
Mais la riposte, elle aussi, se réorganise. La très attendue loi audiovisuelle, mise en attente cet été devant l’urgence du plan de relance, devrait, selon une récente déclaration de la nouvelle ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, être portée à l’agenda législatif de 2021, sauf prolongement de l’état d’urgence sanitaire.
Elle en a profité pour évoquer de nouvelles mesures, comme une contribution accrue des services de SVOD au financement du CNC, mais elle a surtout réaffirmé la nécessité de légiférer, le plus vite possible, pour faciliter la lutte contre le piratage audiovisuel.
Apple TV+ rejoint la lutte mondiale contre le piratage
La Hadopi, avant sa fusion avec le CSA en une super-autorité de l’audiovisuel, pousse d’ailleurs ses pions pour doter cette loi de mesures supplémentaires. Certains estiment notamment que le refus de sanctionner les utilisateurs, notamment d’IPTV ou de streaming, nuit à cette lutte contre le piratage : « Il n’y a que la coercition de l’amende qui fonctionne. Le système allemand, basé sur un système de contraventions beaucoup plus dures, obtient davantage de résultats », affirme ainsi Pascal Lechevallier. consultant média pour l’audiovisuel.
Dans le même temps, l’Alliance pour la Créativité et le Divertissement (ACE), ce groupe de pression comprenant la plupart des grands producteurs de contenus mondiaux, unis pour lutter contre le piratage audiovisuel, a accueilli cet automne un nouveau membre de poids avec Apple TV+. Le service de SVOD de la firme de Cupertino a même intégré directement le conseil d’administration de l’ACE, aux cotés d’Amazon, Disney, NBC-Universal, Netflix, Paramount, Sony Pictures et Warner Bros.