Depuis la révélation, au début de l’été 2020, d’une véritable culture du harcèlement, notamment sexuel, au sein d’Ubisoft, encouragée et couverte jusque dans les plus hautes sphères de la société, son PDG, Yves Guillemot, a voulu amorcer un changement profond de sa société. Après s’être séparé de plusieurs proches collaborateurs, dont son numéro 2 et directeur créatif, Serge Hascoët, il a lancé des enquêtes internes pour prendre la mesure du phénomène. Le 9 décembre 2020, il a nommé une nouvelle vice-présidente, chargé de la diversité et de l’inclusion, Raashi Sikka.
Ubisoft va-t-elle tourner la page de la culture du harcèlement ? La société donne en tout cas, au moins publiquement, les gages d’une volonté de changement profond. Est-ce par conviction ou contraint et forcé par l’opinion publique que son PDG, Yves Guillemot, a décidé de changer de stratégie ? Impossible à dire, mais les révélations de l’été 2020 ont, en tout cas, bouleversé la politique du studio en matière de harcèlement, notamment sexuel.
Le harcèlement : une véritable culture d’entreprise chez Ubisoft
Retour en arrière. Début juillet 2020, une enquête aussi poussée que glaçante, remarquablement menée par nos collègues de Libération et de Numerama, mettait à jour une véritable culture du harcèlement chez Ubisoft, tant dans la maison-mère française que dans les filiales internationales.
Le numéro 2 du groupe, Serge Hascoët, directeur créatif, ami de longue date d’Yves Guillemot et tête pensante de la plupart des cartons du studio, est largement mis en cause : remarques sexistes incessantes, attouchements non consentis quotidiens, harcèlement, moquerie, tentatives régulières d’embrasser des employées contre leur grès… Le tout mâtiné de missions confiés à des employés pour ses besoins personnels, de notes de frais exorbitantes et de livraison de drogue dans les locaux de l’entreprise.
Qui plus est, Serge Hascoët était secondé par des assistants qui se croyaient tout-puissants et jouaient de leur pouvoir. Le tout était couvert par les RH, qui bloquaient toute remarque ou toute plainte. Chez les employés, le discours est unanime : « Tout le monde savait ». Mais l’omerta était complète – du moins, jusqu’à ce que, grâce à ces enquêtes salutaires, la parole se libère enfin.
Le patron d’Ubisoft coupe des têtes et lance une enquête
La réaction de la direction ne se fait pas attendre. Le 12 juillet 2020, Ubisoft annonce la démission de l’entreprise de Serge Hascoët et de Yannis Mallat (directeur des studios Ubisoft au Canada). Cécile Cornet, directrice monde des RH, démissionne de son poste, mais pas de l’entreprise. Depuis, plusieurs autres cadres ont été licenciés, suite à la dénonciation d’agression ou de harcèlement sexiste ou sexuel.
Yves Guillemot lance alors une grande enquête sur le harcèlement dans son entreprise, envoyée au 19 000 salariés de l’entreprise. 14 000 répondent, dressant un état des lieux accablant, sur lequel Yves Guillemot revient en détail, dans un mail à tous les employés rendus public début octobre 2020.
« Près de 25 % des employés d’Ubisoft ont vécu ou ont été témoin de mauvais comportements »
Les conclusions font froid dans le dos. « Près de 25 % des employés d’Ubisoft ont vécu ou ont été témoin de mauvais comportements en milieu professionnel ces deux dernières années, et une personne sur cinq ne se sent pas en sécurité ou complètement respectée dans le cadre de son travail », expose le mail.
Le patron d’Ubisoft y affiche sa volonté de lutter contre le discriminations et la harcèlement, de « continuer de travailler sur chaque signalement », de mieux promouvoir la diversité, car les employés « qui font partie de minorités sont disproportionnellement touchés par les problèmes de respect et de sécurité », de réformer en profondeur les RH et le rôle et le pouvoir des managers, qui ont trop eu tendance à fermer les yeux.
« Certains ont exprimé des doutes sur notre capacité à changer »
« Certains ont exprimé des doutes sur notre capacité à changer. Ces changements auront lieu. Je veux vous assurer que nous mobilisons toute notre énergie sur ces projets. Je les suis personnellement, et je vous tiendrai informés des progrès effectués sur ces initiatives », concluait Yves Guillemot.
Il promettait à l’époque la nomination rapide d’un(e) « chef de la diversité et de l’inclusion, dont le rôle sera d’orchestrer et de guider nos efforts dans tout le groupe ».
Raashi Sikka nommée « Vice-Présidente Diversité & Inclusion » d’Ubistoft
Il a fallu patienter quelques semaines, mais, ce 9 décembre 2020, le studio a officialisé la nomination de Raashi Sikka, l’actuelle responsable de la diversité et de l’inclusion chez Uber pour les régions Europe, Afrique, Moyen-Orient et Asie Pacifique, au poste de « Vice-Présidente Diversité & Inclusion » d’Ubistoft.
« Je sais que nous allons faire des merveilles, et que nous allons avoir un formidable impact sur l’inclusivité dans les jeux vidéo », a déclaré, enthousiaste, Raashi Sikka. Reste à savoir les moyens dont elle disposera. Mais Ubisoft se sait scrutée à la loupe, et semble déterminée à faire sa mue. Affaire à suivre, donc.