Loin de se limiter aux études de biologie, la technique d’amplification de séquences ADN, appelée communément « PCR », permet d’améliorer la sélection d’animaux d’élevage, de renforcer les contrôles alimentaires, et de prévoir de futures épidémies. Le géophysicien Philippe Gillet, directeur scientifique de la société suisse SICPA, lui prédit un « brillant avenir ».
Les terrasses sont pleines à craquer, les théâtres, cinémas, musées et autres lieux culturels sont à nouveau accessibles. Les gens se pressent dans les salles de sport et chacun commence à préparer ses vacances d’été. Sommes-nous pour autant débarrassés du Covid ? La prudence reste de mise…
« Nous ne devons pas croire qu’une embellie signifie la fin de l’épidémie. Continuons à faire attention, continuons à respecter les gestes barrières, à porter nos masques (…), c’est aussi la meilleure protection contre les faux espoirs et les déconvenues », a résumé Gabriel Attal. Le porte-parole du gouvernement espère que la diminution des nouveaux cas détectés permettra notamment « une application pleine et entière du dispositif ‘tester, alerter, protéger’ ».
La réalisation systématique de tests est indispensable afin d’éviter une quatrième vague à l’automne. Or, parmi les tests disponibles, le PCR reste une méthode privilégiée de diagnostic dans le monde. Maîtrisée depuis plusieurs décennies, cette technique est un moyen « très performant de diagnostic direct des maladies infectieuses ou parasitaires, notamment dans les phases précoces de l’infection », comme le rappelle le Sénat.
Le principe du test PCR (Polymerase Chain Reaction) est d’amplifier une séquence d’ADN, spécifique du SARS-CoV-2, à partir de l’ARN extrait de l’échantillon prélevé sur l’individu. Une petite séquence d’acides nucléiques (un fragment d’ADN) sera ainsi copiée de nombreuses fois, ce qui facilite sa détection. Lorsque cette amplification est détectée (par une sonde couplée à un fluorophore), le test est dit positif.
Économie de la confiance et campus Sicpa
Très précis, le test PCR peut détecter le virus dans 95 % des cas. C’est la raison pour laquelle il est souvent demandé aux personnes souhaitant séjourner dans un pays étranger. Mais les vacances estivales ne seront pas la seule raison qui en fera parler. Comme le souligne Philippe Gillet, directeur scientifique de l’entreprise suisse SICPA – le leader mondial des solutions de traçabilité sécurisées -, on peut d’ores et déjà prédire un brillant avenir à cette nouvelle « technologie de la confiance ».
Géologue de formation, ancien directeur d’universités françaises, ancien directeur de cabinet de la ministre française de la Recherche et de l’enseignement supérieur et ancien vice-président de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, Philippe Gillet rappelle que « les cartes de crédit, la blockchain ou les satellites GPS et les bons vieux billets de banque participent à un vaste système que nous appelons l’économie de la confiance. C’est ce système de technologies anciennes et nouvelles qui permet de vérifier la solvabilité d’un client, la conformité d’un bien ou d’un service, la sécurité d’une interaction ». C’est dans ce cadre que le groupe SICPA a lancé dès 2019 la construction d’un campus appelé « Square One » axé sur l’économie de la confiance et qui doit être livrée à la fin de l’année 2021.
Mais cette économie a également joué un rôle de premier plan pendant la pandémie, alors qu’il était nécessaire d’informer sur le statut infectieux des personnes – touristes, clients d’un restaurant, collaborateurs d’une entreprise… Si les tests PCR sont au cœur de l’économie de la confiance, c’est qu’ils doivent leur efficacité à la molécule qu’ils amplifient, l’ADN. Un seul gramme de celle-ci peut contenir l’équivalent d’environ 215 millions de gigaoctets, soit autant qu’environ 400 000 ordinateurs portables de capacité moyenne, rappelle l’expert.
Test PCR : le spectre de la fraude
Support de l’information génétique, l’ADN permettrait de stocker de l’information numérique de la façon la plus compacte qui soit. C’est en tout cas ce que visent plusieurs entreprises qui travaillent dessus. La startup californienne Phylagen vérifie les pratiques de fabrication éthiques des marques. L’étude des bactéries, des champignons, des virus et du pollen d’origine naturelle – le microbiome – présents sur chaque objet et en tout lieu de la planète lui permet de déterminer si les produits ont respecté les circuits officiels, de traquer les contrefaçons ou encore de lutter contre l’exploitation des travailleurs.
Swissdecode développe quant à elle un test permettant d’analyser l’ADN de la nourriture pour « savoir avec exactitude ce que l’on mange » et éviter ainsi les scandales alimentaires. La découverte des CRISPR, des familles de séquences répétées dans l’ADN, a permis de « démocratiser » l’édition de la molécule. « Des opérations longues de plusieurs mois, facturées plusieurs milliers d’euros, sont désormais effectuées en quelques heures et pour une cinquantaine d’euros », explique Philippe Gillet.
Mais le spectre de la fraude hante les esprits. « Pour l’heure, on ne peut pas encore éditer l’ADN avec la même aisance qu’un simple texte sur un ordinateur, mais chaque année nous approchons un peu plus ce but », ajoute le chercheur. Si les confinements et couvre-feux sont (probablement) derrière nous, la PCR n’est pas près de disparaître de notre quotidien. Selon Research and Market, elle générait un chiffre d’affaires global de 398 millions de dollars en 2019 et pourrait dépasser le milliard en 2027.