Déjà reportée par la pandémie de Covid-19, puis réintégrée dans une loi ad hoc, la réforme de l’arsenal de lutte contre le piratage audiovisuel (et la fusion de l’Hadopi et du CSA en ARCOM), actuellement en discussion entre l’Assemblée Nationale et le Sénat, ne devrait pas voir le jour avant 2022.
Au début du quinquennat d’Emmanuel Macron, les déclarations d’annonce sur une refonte nécessaire de l’arsenal législatif pour lutter contre le piratage audiovisuel se sont multipliées.
Le report de la Loi Audiovisuel a retardé l’adoption de mesures contre le piratage audiovisuel
Quelques propositions-clés ont progressivement émergées. Elles devaient être intégrées à la grande Loi sur l’Audiovisuel, qui devait être discutée à l’été 2020. La pandémie mondiale de Covid-19 a envoyé cette loi au fond d’un carton.
Pour autant, les mesures contre le piratage ont réussi à survivre. Certaines, concernant en particulier les retransmissions sportives (notamment le blocage dynamique des flux de streaming et d’IPTV), se retrouvent ainsi dans la « loi pour démocratiser le sport ».
Loi sur la protection des œuvres culturelles : création de l’ARCOM et liste noire
Mais la plupart du nouvel arsenal est présent dans la « loi sur la protection des œuvres culturelles« , présentée au Conseil des Ministres début avril 2021. Elle inclut notamment la très attendue fusion de la Haute Autorité pour la Diffusion des Oeuvres et la Protection des droits sur Internet (HADOPI) et du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) en une nouvelle entité, l’Autorité de Régulation de la COMmunication audiovisuelle numérique, ou ARCOM.
Pour le reste, le texte s’appuie sur trois piliers fondamentaux pour lutter contre le piratage : une liste noire de sites à bloquer, une lutte sans relâche contre les sites miroirs et des procédures accélérées pour les rencontres sportives. L’ensemble doit à la fois répondre à l’explosion du streaming (que la Hadopi peinait à combattre) et à celle de l’IPTV illégale.
Une loi qui ne verra pas le jour avant 2022
Les ambitions sont hautes, et si les mesures semblent toutes aller dans le bon sens, difficile d’anticiper leur efficacité. D’autant que, alors même que le manque à gagner du piratage audiovisuel est toujours plus important pour des secteurs fragilisés par la crise actuelle (culture, sport), cette loi ne devrait pas voir le jour en 2021.
Cédric Roussel, député LREM des Alpes-Maritimes et grand artisan de l’intégration dans la loi des ordonnances dynamiques d’urgence pour couper en direct les flux de streaming sportif illégal, a ainsi annoncé qu’il espérait « une mise en place avant la fin du quinquennat », c’est à dire, au mieux, début 2022.
« Protéger l’oeuvre culturelle, vivante et sportive »
Le député veut que cette loi aide à mettre fin au « pillage » du monde de la culture et du sport. « C’est notre rôle de protéger l’œuvre culturelle, vivante et sportive, car derrière il y a des hommes et des femmes, ainsi que des professionnels, qui font vivre d’autres secteurs et qui surtout sont les locomotives des sports amateurs », défend-il.
On pourrait lui objecter que le gouvernement semble se presser avec beaucoup de lenteur sur cette question jugée prioritaire. Et ce, alors que les exploitants de salle de cinéma font face à une nouvelle recrudescence de contenus piratés leur faisant de l’ombre.
La diffusion des blockbusters sur les plateformes de SVOD a fait du mal aux entrées en salles de cinéma
En effet, plusieurs grands studios de cinéma ont décidé de proposer leurs blockbusters de l’été sur leurs plateformes de SVOD en même temps que leur sortie en salle. Disney a ainsi programmé Black Widow sur Disney + (provoquant l’ire de Scarlett Johanson, qui a intenté un procès à la firme), et Warner Bros a lancé The Suicide Squad ou Jungle Cruise sur HBO Max.
Certes, la chronologie des médias a empêché une telle diffusion en France. Mais la sortie de ces films au grand potentiel sur des plateformes de streaming a permis aux pirates de récupérer des copies HD le lendemain de leur sortie au cinéma, et les diffuser largement – avec un impact désastreux sur les entrées en salles. De quoi provoquer la colère des exploitants de salles.
Pour autant, Disney et Warner semblent avoir pris en compte ces critiques. Le dernier Marvel, Shang-Shi, ne sortira ainsi sur Disney+ que 45 jours après sa sortie salle, et Warner a annoncé qu’aucune de ses sorties cinéma du reste de 2021 ne passeraient sur HBO Max avant 2022.