Depuis le 1er janvier 2022, la fusion entre le CSA et la HADOPI en ARCOM est effective, actant la réunion des secteurs audiovisuels et numériques, qui disposent désormais d’un organe de contrôle unique. Cette autorité publique indépendante (API) a notamment la charge de la lutte contre le piratage audiovisuel et sportif, via des prérogatives et un arsenal élargi, mais avec des moyens qui n’augmentent pas. De quoi lui promettre, sur ce dossier, un destin à la HADOPI ?
Certes, le piratage continue de reculer en France ; mais ce n’est pas essentiellement grâce à l’action des pouvoirs publics, même si les fermetures de sites de streaming et de services d’IPTV illégal se multiplient. C’est surtout le développement d’une offre de SVOD légale riche et complète, de Netflix à Amazon Prime, en passant par Disney+, qui tend à détourner les internautes du piratage audiovisuel.
L’échec de la HADOPI ne fait de doute pour personne
La meilleure preuve est la hausse du piratage des contenus sportifs, qui sont, eux, soumis à un éclatement de l’offre entre plusieurs acteurs.
L’échec de la HADOPI à lutter contre le piratage, que ce soit par manques de moyen ou les nombreux trains de retard sur les techniques utilisées (continuer à ne criminaliser que le P2P quand l’essentiel des internautes piratent en streaming était par exemple un non-sens), est un fait difficilement niable. Reste à savoir si la nouvelle autorité, qui fusionne le contrôle de l’audiovisuel et du numérique, aura des meilleurs résultats.
L’ARCOM, fusion du CSA et de la HADOPI, disposera de prérogatives étendues
En effet, depuis le 1er janvier 2022, le CSA et la HADOPI ont (enfin) fusionné dans une nouvelle autorité publique indépendante (API), l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, ou ARCOM. Roch-Olivier Maistre, président du CSA jusqu’au 31 décembre 2021, en est devenu le premier président.
Les prérogatives de la nouvelle entité recoupent donc celle des deux organismes disparus, et vont même au-delà (cette liste est loin d’être exhaustive) :
- superviser la radio, la télévision et Internet ;
- lutter contre le piratage audiovisuel et sportif ;
- obliger les plateformes de streaming à financer les œuvres audiovisuelles ;
- protéger les contenus dématérialisés et favoriser leurs diffusions légales ;
- protéger les enfants des images pornographiques ;
- lutter contre la désinformation et la haine en ligne.
Plusieurs lois ont renforcé l’arsenal législatif de régulation et de contrôle de l’ARCOM
« En trois ans, sept textes de loi ont élargi nos attributions. C’est inédit. L’Arcom permettra de mieux épouser les enjeux audiovisuels de son temps, en tenant compte des plates-formes de streaming et des grands acteurs du numérique », résume ainsi Roch-Olivier Maistre.
L’ARCOM est structurée autour de 7 groupes de travail. Deux en particulier auront en charge la lutte contre le piratage : le groupe de travail sur la « Création et production audiovisuelles, cinématographiques et musicales », présidé par Jean-François Mary, et celui sur la « Protection et diffusion de la création et des contenus sportifs sur internet », présidé par Denis Rapone et Laurence Pécaut-Rivolier.
L’ARCOM disposera de nouvelles armes légales, qui manquaient à la HADOPI, mieux adaptées au contexte de 2022, et apportée essentiellement par la loi « sur la protection des œuvres culturelles », validée par le Conseil Constitutionnel, mais aussi par la loi « visant à démocratiser le sport en France ».
La loi dote enfin l’ARCOM de moyens d’agir efficacement contre le piratage…
La riposte graduée chère à HADOPI existe toujours pour les internautes, mais elle ne constitue ni le coeur, ni la priorité de l’ARCOM : le gouvernement a renoncé à criminaliser les utilisateurs, une démarche aussi inefficace que coûteuse.
En revanche, la lutte contre les réseaux pirates est confortée par une série de nouvelles dispositions, notamment : liste noire de sites pirates visés par une décision de justice et bloqués au niveau des FAI, extension quasi-automatique des injonctions aux sites miroirs, blocage en temps réel des sites diffusant illégalement des retransmissions sportives, blocage des adresses IP proposant des services d’IPTV illégale, obligation des moteurs de recherche de déréférencer les sites pirates…
… mais avec un budget identique à celui du CSA en 2021…
La mauvaise nouvelle, c’est que malgré ces prérogatives élargies, le budget de l’ARCOM pour 2022 est… le même que celui du CSA pour 2021, 46 millions d’euros. De quoi craindre une efficacité réduite sur les volets du piratage, sachant que la régulation des contenus sur le web a été, elle aussi, érigée en priorité par le gouvernement.
Plus de travail, avec en charge des dossiers jugés prioritaires par le gouvernement (pornographie, haine et désinformation, piratage…), mais avec les mêmes moyens financiers : de quoi s’interroger sérieusement sur la stratégie gouvernementale…