Fin juillet 2022, L’Equipe a révélé que Canal+ avait obtenu, fin juin 2022, une ordonnance du tribunal judiciaire de Paris ordonnant le blocage, auprès des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) français, des sites pirates diffusant illégalement la saison de Formule 1 2022, dont elle détient les droits. L’ordonnance étant dynamique, d’autres sites ont été depuis ajouté à la liste. Cette décision, par son timing, acte la nouvelle stratégie des diffuseurs et ayant-droits : jongler d’une compétition à l’autre pour obtenir un blocage des sites de streaming sportif illégaux tout au long de l’année. Explications.
La loi anti-piratage d’octobre 2021, entrée en vigueur en France début janvier 2022, continue de prouver son efficacité, notamment dans le champ du streaming sportif illégal.
Le blocage au niveau des FAI, une technique particulièrement efficace contre le streaming sportif illégal
Ses deux armes principales, le blocage au niveau des FAI (Orange, SFR, Bouygues Telecom, Free) et les ordonnances dynamiques, permettent en effet d’interdire aux internautes lambda l’accès aux principaux sites de piratage sportif.
Certes, un particulier au fait de ces technologies pourra le plus souvent contourner ce type de blocage, via différentes techniques, mais le tout venant des consommateurs ne prendra pas le temps de déployer ces solutions, et l’audience des principaux sites sportifs pirates est en chute libre depuis le début de l’année.
Une ordonnance dynamique permet le blocage tous les sites diffusant une compétition, pendant la durée de cette compétition
Une récente action de Canal+, révélée fin juillet 2022 par l’Equipe, illustre bien, par ailleurs, la stratégie des diffuseurs et ayant-droits pour maintenir le maximum de sites bloqués le plus longtemps possible.
En effet, la loi anti-piratage autorise la mise en place d’une ordonnance judiciaire dynamique protégeant une compétition sportive précise. Cela signifie qu’un diffuseur ou un ayant droit peut demander en référé (c’est à dire presque instantanément) à un tribunal administratif le blocage des sites diffusant une compétition dont il détient les droits.
Cette ordonnance est dynamique, dans le sens où elle autorisera ensuite l’Arcom à demander directement aux FAI le blocage de tout nouveau site diffusant cette compétition (site miroir des sites condamnés ou nouveau venu sur ce marché), et ce, sans repasser par la case tribunal. Cette ordonnance reste valable pendant toute la durée de la compétition.
Canal+ obtient une ordonnance protégeant la saison de F1 le 30 juin 2022
Le 30 juin 2022, Canal+ a ainsi obtenu une ordonnance du tribunal judiciaire de Paris ordonnant le blocage auprès des FAI français de 39 sites pirates diffusant illégalement des courses de Formule 1, dont la chaîne cryptée détient les droits jusqu’en 2029.
L’ordonnance étant dynamique, en un mois, 20 sites supplémentaires, pas identifiés par l’ordonnance mais ayant tenté de diffuser illégalement la F1, ont été bloqués par l’Arcom, portant le nombre de sites bloqués à 59. Canal+ pourra ensuite demander à l’Arcom le blocage de tout site contrevenant jusqu’à la fin de la saison de F1, le 20 novembre 2022.
Pour autant, le timing choisi par Canal+ peut surprendre. La saison de F1 a commencé début 2022, pourquoi la chaîne cryptée a-t-elle attendu fin juin 2022 pour agir ?
Les sites illégaux étant tous généralistes, Canal+ et les ayant-droits passent d’une compétition à l’autre pour viser tout l’écosystème pirate en permanence
Deux raisons principales expliquent ce choix. La première est que la totalité des sites de streaming sportif illégaux sont généralistes, et diffusent de multiples compétitions. Différents diffuseurs (dont Canal+) ayant obtenu, plus tôt dans l’année, le blocage des sites diffusant la Ligue des Champions de football, le TOP14 de rugby ou la Ligue 1 et la Ligue 2 de football, la totalité des sites illégaux diffusant la F1 étaient déjà sous le coup d’une interdiction.
Canal+ a donc attendu la fin des compétitions précédentes pour demander une ordonnance concernant la F1. Cette ordonnance, en visant la F1, va elle aussi toucher aussi la quasi-totalité des sites diffusant du football, notamment les compétitions dont Canal+ a les droits. La chaîne cryptée peut ensuite lancer une nouvelle action en référé une fois les saisons de football et de rugby commencées.
Occuper le terrain médiatique
La seconde raison est, probablement, de mettre à jour la liste de sites pirates et d’occuper le terrain médiatiquement. Certes, Canal+ aurait pu demander une ordonnance sur la F1 dès février 2022 (date des ordonnances sur le TOP14 ou la Ligue des Champions).
Mais en attendant quelques mois, la chaîne cryptée peut ajouter d’autres sites pirates émergents à sa nouvelle ordonnance… et faire parler du dispositif tout au long de l’année ! Un coup double parfaitement effectué.