Aux Etats-Unis comme en Europe, l’idée de taxer les Big Tech d’Internet (Google, Netflix, Amazon, Facebook…) pour financer la modernisation des réseaux télécoms, et réduire la fracture numérique séduit de plus en plus. Les gouvernement français, italien et espagnol se sont positionné en faveur d’une telle réforme. Outre-Atlantique, la FCC, le régulateur des télécoms US, a présenté un rapport soutenant une telle taxe.
En Occident, le développement des réseaux télécoms, en particulier en zone rurale, coûte de plus en plus cher. Equiper toute la population en connexion haut débit, pour réduire la fameuse « fracture numérique », est ainsi une priorité de l’Union européenne comme des Etats-Unis.
Demander une contribution aux fournisseurs de contenus pour financer la modernisation des réseaux télécoms
Mais où trouvez les fonds pour y parvenir ? Si, historiquement, ce sont les opérateurs télécoms, ou fournisseurs d’accès à Internet (FAI, les deux termes étant devenus aujourd’hui quasi-synonymes), qui ont porté cette charge, les investissements nécessaires dans les technologies émergentes, notamment la 5G, freinent aujourd’hui leur capacité de financement.
D’où l’idée de demander une contribution aux plateformes numériques qui bénéficient le plus du déploiement de ces réseaux télécoms, c’est à dire celles qui utilisent le plus de débit Internet – à savoir les Big Tech, notamment Google (YouTube), Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp), Netflix ou Amazon (notamment via Prime Vidéo).
Les Big Tech et les services de streaming captent l’essentiel du trafic Internet
Aux Etats-Unis, les cinq plus importants services de streaming (dont Netflix, Disney+, Amazon Prime Vidéo et YouTube) réquisitionnent 75 % du trafic Internet en zone rurale, le reste étant largement capté par Google et Facebook.
En France, l’Arcep calcule que plus de la moitié du trafic Internet provient de Netflix, Google, Akamai (un CDN, ou content delivery network, c’est-à-dire un réseau de distribution de contenu qui rapproche le stockage des données de leur lieu de consommation), Facebook et Amazon.
La Commission européenne envisage de taxer les fournisseurs de contenus
Au niveau de l’Union européenne, la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, a lancé en mai 2022 une vaste analyse de la situation, pour déterminer s’il fallait ou non demander aux fournisseurs de contenus de participer au financement des réseaux.
Son collègue commissaire au marché intérieur, Thierry Breton, a même déclaré que le principe d’une contribution était « acquis », et qu’il fallait « réorganiser la juste rémunération des réseaux ».
Ce financement est défendu depuis des années par la Fédération Française des télécoms, ainsi que ses équivalents dans les autres Etats de l’Union européenne. Mais récemment, ces sont des Etats qui se sont, pour la première fois, positionné en faveur d’une telle proposition.
La France, l’Italie et l’Espagne soutiennent une telle taxe
Le 1er août, les gouvernement français, espagnol et italien ont ainsi transmis à la Commission européenne un courrier appelant à « une proposition de loi qui garantisse que tous les acteurs du marché contribuent aux coûts des infrastructures numériques » – une formule qui indique sans ambiguïté, mais sans l’énoncer clairement, qu’il faut faire contribuer aussi les fournisseurs de contenus.
La lettre réclame aussi de s’assurer que les différents utilisateurs soient « traités équitablement en accord avec les règles de neutralité du Net, qui sont un principe fondateur qu’il faut absolument préserver ».
La FCC demande au Congrès de taxer les Big Tech pour lutter contre la fracture numérique
Aux Etats-Unis, la modernisation des réseaux télécoms est financée depuis 1997 par le Fonds pour le service universel, qui dépense 9 milliards de dollars par an pour réduire la fracture numérique, via les déploiements en zones rurales, et les aides à la connexion pour les foyers à revenus modestes.
Ce fonds était jusqu’ici financé exclusivement par une taxe sur les factures de téléphonie fixe, en baisse depuis des années. Ce 15 août 2022, dans le cadre de l’Infrastructure Act (une loi fédérale de 2021, comprenant un plan « Très haut débit pour tous » de 65 milliards de dollars), la Federal Communications Commission (FCC), le régulateur des télécoms US, a remis au Congrès un rapport réclamant une contribution des Big Tech à ce Fonds pour le service universel.
Viser les revenus publicitaires de Google et Facebook et les services de streaming
Cette contribution passerait par une taxe sur les revenus publicitaires de Google ou de Facebook, ainsi que sur les abonnements aux services de streaming payants.
« Il y a une reconnaissance croissante à l’échelle mondiale – en Europe, en Asie et en Amérique du Sud – que les Big Tech devraient contribuer à leur juste mesure aux infrastructures de réseaux et aux efforts de réduction de la fracture numérique, qui leur permettent d’engranger des revenus sans précédent », commente Brendan Carr, rédacteur du rapport pour la FCC.
Reste à savoir si ces demandes insistantes seront suivies (ou non) de décisions politiques fortes.