Lancé début décembre 2022, le French Tech Finance Partners a tenu sa première réunion début janvier 2023. Cette instance est censée aider à orienter le financement des start-up françaises, avec quelques lignes de force déjà définies : la décentralisation de l’investissement, le soutien aux deeptech, ou l’attractivité de la French Tech à l’international. Mais cette première réunion n’a pas levé les doutes de certains participants de l’initiative, qui ont dénoncé anonymement son « inutilité » mi-décembre 2022.
La « start-up nation » chère au président Macron (même s’il n’emploie plus guère cet élément de langage dans sa communication officielle) soutient-elle correctement l’écosystème tech français, ou le parasite-t-elle en favorisant (trop) les géants en devenir ou les mastodontes du financement ?
Bruno Le Maire et Jean-Noël Barrot lance le French Tech Finance Partners
La question est presque philosophique, et elle est au cœur du débat qui anime la création, le 8 décembre 2022, du French Tech Finance Partners, annoncée en grande pompe par Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, et son ministre délégué à la Transition numérique et aux Télécommunications, Jean-Noël Barrot, durant la célébration des 40 ans du fonds Partech.
Cette nouvelle initiative a pour but de fédérer des investisseurs de premier plan dans la tech, ainsi que des organisations et associations du secteur, pour faire au gouvernement des propositions visant à assurer un financement plus efficace de la French Tech. Identifier les obstacles à l’investissement et favoriser la croissance des jeunes pousses seraient le cœur de sa mission.
Réunir les investisseurs pour optimiser le financement des start-up françaises
Sur le papier, l’idée semble bonne. Suite à la premier réunion de l’instance, le 3 janvier 2023, le gouvernement a présenté l’organigramme et les trois missions principales du French Tech Finance Partners : identifier les obstacles aux financements d’entreprises en France, contribuer à l’élaboration des politiques publiques et renforcer l’attractivité de la France pour les investisseurs internationaux.
D’un point de vue opérationnel, French Tech Finance Partners regroupe seize personnes, membres de seize organisations, à parité, comprenant surtout des fonds de premier plan (Orange Ventures, Euronext, Partech, Revaia, EQT Ventures, Lazard, Eurazeo, Elaia, Founders Future, Supernova Invest, Jeito, Sequoia), mais aussi des banques (Société Générale, BpiFrance), et les associations France Invest et France Digitale.
Le collectif est présidé par Reza Malekzadeh, de Partech. Pour son lancement, French Tech Finance Partners s’est fixé trois chantiers prioritaires :
- le financement des startups en région ;
- le financement des deeptech ;
- les critères de sélection des programmes French Tech.
Décentraliser l’investissement, favoriser les deeptech et revoir les critères des programmes French Tech
Décentraliser l’investissement semble en effet nécessaire : « Il y a des villes comme Bordeaux, Marseille, Lille ou encore Lyon, qui ont réussi à se constituer un écosystème d’investisseurs actifs, mais il y a encore un décalage de maturité par rapport à Paris. Il faut les emmener au-delà du périph’ de toutes les grandes villes », témoigne pour L’Usine digitale Maya Noël, directrice générale de France Digitale.
Les deeptech sont un autre cheval de bataille légitime, car, malgré les ambitions de l’exécutif sur le sujet, les besoins en capitaux sont importants, et freinent souvent l’émergence de jeunes pousses du domaine.
L’instance aura aussi pour mission de retravailler les critères du Next40 et du French Tech 120. L’idée est de moins favoriser les entreprises levant massivement des fonds (la « folie des licornes »), mais mettre en avant celles qui développe leur chiffre d’affaire et les emplois créés.
Certains membres de French Tech Finance Partners critiquent cette création, dans une tribune au vitriol
Pour autant, French Tech Finance Partners est loin de faire l’unanimité, même au sein de ses membres. Mi-décembre 2022, plusieurs participants ont, sous couvert d’anonymat, publié une tribune au vitriol pour La Tribune. Ils y dénoncent une volonté du gouvernement de « piloter lui-même les lobbies de la tech », dans une « une initiative inutile qui risque d’affaiblir les corps intermédiaires ».
Leur crainte : donner trop de pouvoir au French Tech Finance Partners, et en particulier aux plus gros acteurs de l’instance, qui pourraient ainsi orienter, en direct, la politique de soutien financier de l’État, non en fonction des besoins de l’écosystème, mais pour favoriser leurs propres stratégies.
Un Cheval de Troie des géants du secteur pour phagocyter le soutien public ?
Le tout au détriment des plus petits fonds d’investissement (et, plus généralement, de tous les petits et moyens poissons de la marre de la French Tech). Maya Noël, qui défend par ailleurs l’initiative, reconnaît à demi-mots que ces craintes sont, au moins en partie, fondées.
« Je ne crains pas un affaiblissement des corps intermédiaires, mais il faut que ceux-ci continuent d’être reconnus pour la matière première et tout le travail qu’ils apportent en parallèle de cette instance », indique-t-elle.