Publicité ciblée : quatre géants européens des télécoms entrent dans la danse

<em>Publicité ciblée : quatre géants européens des télécoms entrent dans la danse</em>
Réglementaire

Le RGPD et la fin probable des cookies tiers excitent les envies de nouveaux acteurs dans la publicité ciblée : les opérateurs télécoms. Quatre mastodontes européens du secteur, Orange, Deutsche Telekom, Telefónica et Vodafone, vont ainsi créer une coentreprise dans ce secteur. Objectif : proposer une solution de ciblage parfaitement respectueuse de la vie privée. Vers une remise en cause supplémentaire du modèle économique de Google ou Meta ?

L’ère du monnayage à tout-va des données personnelles va-t-elle enfin prendre fin ? Dans l’Union européenne, en tout cas, tout porte à croire que cet âge, qui a apporté à Google ou à Meta une fortune et un pouvoir démesurés, ne durera pas éternellement.

Les cookies tiers, chronique d’une mort annoncée

Le RGPD a imposé un consentement explicite des utilisateurs pour l’utilisation des cookies tiers, pierres angulaires du système, car ils permettent la création de profils revendus forts chers aux spécialistes de la publicité ciblée.

La dernière version de Firefox désactive ainsi ces cookies par défaut. Chrome devrait les abandonner bientôt (difficile de donner une date, Google ayant annoncé 2022, puis 2023, puis désormais 2024, dans l’attente de trouver une alternative valable pour poursuivre son lucratif ciblage publicitaire).

Pour autant, la publicité ciblée va-t-elle disparaître ? Peu probable, étant donné son incroyable efficacité et les revenus colossaux qu’elle génère.

Quand les opérateurs télécoms entrent sur le ring du ciblage publicitaire

Mais un nouveau concurrent vient d’entrer dans la danse, sentant qu’un créneau se libérait : les opérateurs télécoms. Les fournisseurs d’accès à Internet, qui lorgnent depuis toujours sur les sommes astronomiques générées par la publicité en ligne, sentent que l’Union européenne est mûre pour une publicité ciblée 2.0, dont ils veulent devenir un acteur majeur.

Quatre géants européens du secteur, le français Orange, l’allemand Deutsche Telekom, l’espagnol Telefónica et le britannique Vodafone ont ainsi annoncé la création d’une coentreprise dédiée à la publicité ciblée en ligne, détenue à part égale par les quatre entreprises.

Un ciblage sans collecte de données personnelles, et donc respectueux de la vie privée

Et, là où le coup pourrait être parfait, c’est que cette joint-venture veut commercialiser une technologie de ciblage respectueuse de la vie privée, via « une solution d’identification numérique axée sur la confidentialité pour soutenir les activités de marketing et de publicité numériques des marques et des éditeurs », d’après un document transmis à la Commission européenne.

Cette solution s’appuiera sur la technologie TrustPid, développée par Vodafone, et permettra de générer « un jeton pseudonymisé et sécurisé », « lié à l’abonnement réseau d’un utilisateur » et, surtout, sous réserve du consentement explicite (opt-in) de ce dernier.

Plutôt que de créer un profil personnel lié à une identité (un nom et un prénom), ce système s’appuie sur l’adresse IP ou la carte SIM pour créer un profil, qui peut donc être anonymisé sans difficulté.

De belles intentions, mais un risque de complexité rendant la technique illisible pour l’utilisateur

Une marque ou un éditeur pourront alors reconnaître cet utilisateur, et notamment le classer dans différentes catégories pertinentes en vue de lui proposer une publicité adaptée, mais « sans révéler de données personnelles directement identifiables ». L’utilisateur aura de plus accès à un portail dédié à la confidentialité lui permettant pour chaque marque ou éditeur concerné de donner ou de retirer son consentement.

Cette dernière mécanique, pour parfaite qu’elle semble sur le papier, risque de donner lieu à une usine à gaz (surtout si la technique est lancée alors que les cookies sont toujours utilisés…), peu compréhensible pour la majorité des utilisateurs, et conduire la plupart à opter pour le classique « tout accepter », de peur de voir sa navigation limitée.

Quel avenir pour la joint-venture d’Orange, Deutsche Telekom, Telefónica et Vodafone ?

Les quatre opérateurs derrière cette initiative auraient déjà soumis leur projet aux autorités nationales de protection des données, comme la Cnil en France. D’après Euractiv, les principaux éditeurs de presse européens soutiendraient ce projet.

Alors, simple tentative de capter enfin un morceau du gâteau publicitaire d’Internet, vouée à échouer et tomber dans l’oubli, ou véritable annonce d’une refonte en profondeur de la publicité ciblée sur le Vieux continent ? L’avenir nous le dira !