L’affaire aura fait grand bruit et aura provoqué l’indignation des organisations défendant les libertés civiles. Mais la municipalité de San Francisco est finalement revenu sur sa décision d’autoriser l’usage de robots tueurs par la police dans certaines circonstances critiques. Pour l’heure, de telles machines sont interdites. Mais une analyse approfondie de cette question a été commandée.
Non, Robocop ne va finalement pas débarquer prochainement en Californie. Si le projet de réglementation sur les robots tueurs fait immanquablement penser au classique du cinéma de SF signé Paul Verhoven, il pose surtout d’intense question de politiques publiques, de sécurité et de liberté civile – en plus de questions morales.
Le conseil de surveillance de San Francisco approuve d’abord l’utilisation de robots tueurs dans des cas extrêmes
A l’origine, fin novembre 2022, le conseil de surveillance de la ville de San Francisco avait adopté, par 8 voix pour et 3 voix contre, l’adoption d’un texte autorisant la police locale (SFPD) à tuer des suspects avec des robots dans certains cas.
L’utilisation de ces robots « avec une force létale » était bien entendu largement encadrée. Elle n’était autorisé qu’en cas de risque de mort imminent pour les agents de police ou le public – et uniquement après l’échec de toutes les autres tactiques de désescalade ou de maîtrise du suspect. Un haut responsable du SFPD devait obligatoirement valider une telle utilisation.
L’exemple de Dallas
Les défenseurs de cette loi mettait en avant un exemple concret : en 2016, à Dallas, la police avait utilisé un robot furtif équipé d’une bombe pour tuer un forcené qui avait déjà abattu cinq personnes, et blessé sept autres.
Plus globalement, le conseil estimait que cette disposition ajoutait une option supplémentaire pour les forces de police dans des situations extrêmes, et aurait donc permis de sauver des vie.
Les défenseurs des libertés civiles s’insurgent
Mais l’annonce de ce vote a provoqué une levée de boucliers de grande ampleur, notamment chez les défenseurs des libertés civiles. Ces derniers alertent notamment sur le nombre considérable de personnes tuées par la police aux États-Unis, souvent dans circonstances où aucun policier ou civil n’était en danger direct.
Les associations de défense des droits humains soulignaient ainsi que la priorité devait être de réduire l’usage de la force par la police, ainsi que la létalité des outils à sa disposition, plutôt que de lui fournir de nouveaux engins de mort.
Les opposants ont aussi souligné qu’une telle disposition et de telles armes pouvaient certes sembler acceptables les cas extrêmes évoqués (abattre un forcené, un tueur fou ou un kamikaze), mais qu’elles présentaient un risque considérable de dérives.
Le conseil recule et interdit l’usage de robots tueurs
Leur banalisation ou leur utilisation dans des circonstances moins extrême était un risque réel, avec de potentiel abus aux effets dévastateurs. In fine, le danger était bien d’augmenter à terme le nombre de tués par la police, sans sauver plus de vies.
La controverse a pris une telle ampleur que le conseil de surveillance s’est senti obligé de reculer. Finalement, le 6 décembre 2022, un nouveau vote a annulé la précédente disposition, et a même interdit l’usage des robots tueurs par la police, y compris face à un tueur de masse ou un kamikaze.
Une décision provisoire ?
En revanche, ce choix n’est pas gravé à tout jamais dans le marbre. La disposition originale a été renvoyée à un réexamen approfondi, à une date ultérieure. En fonction des résultats de cette nouvelle analyse, deux options sont possibles.
La première est de rétablir l’autorisation d’utiliser les robots tueurs, mais avec des limites plus strictes et, sans doute, un contrôle indépendant sur les cas d’usage (par exemple en intégrant des membres d’association défendant les libertés civiles dans le processus de validation de ces armes).
La seconde est un abandon complet du texte de loi, laissant l’interdiction votée comme seule législation sur le sujet à San Francisco. Un Robocop, ou un Terminator policier en Californie ? Cela reste donc possible, pour le meilleur et pour le pire.