Comme beaucoup de géants de la tech, Amazon et Google ont procédé à des licenciements massifs ces derniers mois, un peu partout dans le monde : mais si ces ruptures de contrat n’ont posé aucun problème aux États-Unis ou dans d’autres États au droit du travail assez souple, il n’en a pas été de même en France et en Allemagne. Car oui, respecter le droit du travail impose parfois de faire des concessions…
Bloomberg a récemment publié une enquête sur les difficultés rencontrées par les géants états-uniens de la tech quand ils tentaient de transposer leur procédure de licenciements en Europe, en particulier dans des pays ayant un droit du travail particulièrement protecteur.
Après les embauches en 2019-2021, la période est aux licenciements dans la tech
La plupart de ces entreprises ont l’habitude d’utiliser le personnel comme une variable d’ajustement, et de procéder régulièrement à de grandes vagues d’embauches ou de licenciements.
Les années 2020 et 2021 ont ainsi vu l’activité des géants du numérique grimper en flèche avec la crise sanitaire et les confinements : les entreprises ont accompagné ce regain avec de nombreuses embauches.
Le contrecoup de 2022 a été souvent assez violent pour les entreprises des nouvelles technologies, et la plupart ont accompagné leur baisse d’activité de licenciements massifs (entre 10 et 20 % des effectifs).
Amazon et Google procèdent à une grande vague de licenciements
Du coté des GAFAM, après Meta au milieu de l’automne 2022, Amazon et Alphabet (maison-mère de Google) ont procédé à un grand coup de balai. L’opération s’est déroulé sans encombre aux États-Unis, avec un maximum de départs instantanés ou presque.
En Europe, en revanche, le processus s’est avéré plus lent – il est même bloqué dans certains pays. Amazon et Google découvrent ainsi que, dans certains pays, on ne peut effectuer de licenciements de grande ampleur sans négociation avec les responsables du personnel, voire des syndicats.
En Europe, les GAFAM tombent sur un os, nommé droit du travail
Au Royaume-Uni, à la législation assez souple, 500 des 8 000 employés de Google sont amenés à quitter leur poste, et la négociation porte sur des indemnités à verser, qui resteront confidentielles. Mais, selon le syndicaliste d’Unite the Union Matthew Waley, « ils essaient de faire le minimum légal ». Il en va de même en Irlande (240 licenciements) ou en Suisse (200 licenciements).
En revanche, en France et en Allemagne, Google et Amazon sont tombés sur un os. Elles doivent négocier avec les représentants du personnel dans le commité d’entreprise – le Comité social et économique (CSE) dans le cas de la France. Il est d’ailleurs amusant de constater que Bloomberg est obligé de préciser à ses lecteurs états-uniens ce qu’est cette bizarrerie européenne !
Google négocie avec le CSE pour des départs « volontaires »
A Paris, où Google emploie 1 600 personnes, Alphabet est en discussion avec le CSE pour déterminer le nombre et le type d’employés qui seront inclus dans un plan de départ collectif volontaire.
Le géant du net a indiqué qu’il ne forcerait personne à partir – logique, et pas vraiment une information, car forcer un salarié à quitter son poste est, tout simplement, illégal en France, sauf raison impérieuse ou faute ! Plusieurs semaines seront encore nécessaire pour arriver à un compromis satisfaisant. Et Google pourrait mettre la main à la poche pour inciter certains salariés à partir…
Un an de salaire en guise d’indemnités de départ chez Amazon
Chez Amazon France, qui compte environ 1 500 employés à Paris, certains cadres supérieurs ayant entre 5 et 8 ans d’expérience se sont vu offrir jusqu’à un an de salaire pour partir.
En Allemagne, Amazon aurait décidé de mettre fin au contrat de tous les salariés en période d’essai, avec quelques indemnités pour faire passer la pilule. Au Luxembourg, les indemnités représentent un mois de salaire par année d’ancienneté.
Vers un comité d’entreprise européen pour Google
Mais les ennuis syndicaux ne font sans doute que commencer pour Google : devant cette vague de licenciements, les employés européens ont décidé de créer un comité d’entreprise européen (CEE), pour les pays de l’Union européenne, du Royaume-Uni et de Suisse. Il devrait être opérationnel d’ici six mois, et donner un poids plus fort encore aux salariés dans les négociations avec le géant du net.
Selon Matthew Waley, ce comité d’entreprise marque un « grand changement », car l’entreprise devra informer les employés beaucoup plus tôt des réorganisations, et les salariés auront un poids de négociation beaucoup plus fort, en particulier dans les pays au droit du travail moins protecteur qu’en Allemagne ou en France.