Un récent rapport de l’International Intellectual Property Alliance (IIPA) classe le Canada parmi les pires pays en terme de défense des contenus audiovisuels protégés par le droit d’auteur, avec un taux de piratage élevé, et peu de moyens accordés aux autorités pour lutter contre les services de streaming, d’IPTV ou de téléchargement P2P.
L’International Intellectual Property Alliance (IIPA), une organisation qui défend les intérêts des industries du cinéma et de la télévision, a récemment publié un rapport touffu sur le piratage audiovisuel dans le monde, avec de nombreux gros plans sur des pays.
Le Canada, cancre mondial de la lutte contre le piratage
Et le Canada se retrouve tout au fond de la classe, avec les cancres de la protection du droit d’auteur, aux côtés du Nigeria, des Émirats arabes unis, de Taïwan ou du Brésil. Il s’agit, selon l’IIPA, du pire pays de l’OCDE et du monde occidental en la matière.
Le rapport révèle ainsi que 22,4 % de la population canadienne a utilisé des services pirates en 2022. Le peer-to-peer de contenus protégés y reste d’ailleurs relativement populaire, surtout comparativement à la France où ce type de service sont en perte de vitesse.
L’IPTV a le vent en poupe, avec même des applis dédiées
Le streaming de films et de séries se porte très bien, même si la partie anglophone du pays subit le contrecoup des fermetures de sites par les autorités américaines, et la partie francophone les actions des justices française et européenne.
Mais c’est surtout l’IPTV qui a le vent en poupe. Le rapport dénonce de nombreux sites qui singent « l’aspect et la convivialité des services légitimes de SVOD », avec des tarifs d’abonnement avantageux, bien difficile à distinguer des offres légales.
L’IIPA signale même le développement croissant « d’applications Android contrefaites qui permettent aux services de piratage par abonnement et aux décodeurs grand public d’accéder aux services de diffusion en continu sans autorisation ».
Des services de SVOD gênés par cette concurrence déloyale
Le rapport estime que l’ensemble de l’écosystème audiovisuel canadien souffre lourdement de cette concurrence, qui expliquerait une diffusion relativement plus faible des services de SVOD au Canada que dans les autres pays occidentaux.
« Les preuves montrent avec persistance que le marché numérique du contenu protégé par le droit d’auteur au Canada continue d’éprouver des difficultés à réaliser son plein potentiel en raison de la concurrence des sources illicites en ligne », tacle le rapport.
Les autorités canadiennes pointées du doigt
L’IIPA se montre aussi très dure avec les autorités canadiennes, accusées de laxisme et d’inaction, en particulier la Gendarmerie royale canadienne (GRC) : « peu de ressources sont consacrées à la poursuite des affaires de piratage; les procureurs manquent généralement de formations spécialisées dans la poursuite de ces délits et, trop souvent, classent le dossier ou plaident la cause, ce qui se traduit par des peines peu sévères », peut-on lire dans le rapport.
L’alliance réclame une meilleure formation des agents dédiés à la protection des droits d’auteur, des moyens accrus, et, probablement, une législation repensée. L’IIPA souhaiterait par ailleurs des poursuites au pénal pour les opérateurs de sites, de services IPTV ou d’application de piratage illégales.
Un projet de loi devrait donner plus de pouvoir au CRTC
Le gouvernement fédéral a justement présenté un projet de loi baptisé C-11, qui entend notamment donner au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) des pouvoirs accrus. L’autorité pourrait en particulier réglementer les contenus disponibles ou non sur Internet, avec le pouvoir potentiel de bloquer les adresses IP, comme en France. Reste à savoir s’il s’en servira contre le piratage…
Le gouvernement fédéral n’a d’ailleurs que modestement apprécié le rapport cinglant de l’IIPA. Interrogé sur ce sujet, le ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique du Canada indique ne pas en reconnaître la validité.
Le gouvernement défend son bilan et son positionnement
« [L’IIPA] n’utilise pas une méthodologie claire et s’appuie principalement sur des allégations de l’industrie plutôt que sur des preuves empiriques et une analyse objective », indique Hans Parmar, porte-parole du ministère.
Ce dernier affirme même que le pays a « établi un équilibre entre la protection et la promotion de l’utilisation en ligne de contenus protégés par le droit d’auteur, la sauvegarde des droits et libertés individuels dans un Internet ouvert, et la facilitation d’un marché numérique florissant ».
Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ? Pas certains que les ayant-droits l’entendent de cette oreille…