« Pays de la confiance numérique ». À Vivatech, le positionnement du pavillon suisse a étonné les visiteurs et les professionnels de l’économie numérique. Ce mot d’ordre, porté par la Trust Valley, en partenariat avec la Swiss Digital Initiative, l’Economy of Trust Foundation et le Campus Unlimistrust, créé par le groupe SICPA, gagne tout doucement du terrain en Europe sous l’influence de la Confédération helvétique. Le tout dans un contexte d’inquiétudes autour de la montée en puissance de l’intelligence artificielle et des craintes persistantes sur la protection des données-utilisateurs.
Un mot d’ordre porté par la suisse au niveau européen
C’est la Swiss Digital Initiative, une fondation créée en 2019 et parrainée entre autres par Brad Smith, président de Microsoft, avec l’ambition de créer un « Nutri-score » des services numériques, qui a porté le message à l’écosystème tech’ en Europe. La fondation a pourtant eu des débuts plus que modestes. Son label de responsabilité numérique, véritable fer-de-lance de la Swiss Digital Initiative, n’a été attribué qu’à une dizaine d’entreprises, faute de candidats. Des grands noms, certes, comme Swisscom ou plusieurs services du géant américain des réseaux Cisco. « Ce n’était pas suffisant, cela n’avait pas assez d’impact, et obtenir ce label prend du temps et coûte cher à une entreprise pour l’audit », a souligné Fathi Derner, directeur de la Swiss Ditial Initiative, pour le journal Le Temps. Un constat qui pousse la Swiss Digital Initiative à changer de prisme.
Désormais, place au « Digital Trust Movement », qui aspire à sensibiliser à la confiance numérique les fournisseurs de services numériques et, en bout de chaîne, les consommateurs. Une nouvelle initiative qui devrait se concrétiser par le lancement de trois nouveaux outils : le Digital Trust Criteria Catalog, qui prend la forme d’un document de 35 critères pour renforcer la confiance des utilisateurs ; un guide de la confiance numérique destiné aux entreprises traitant des données-utilisateurs ; et une boussole de la confiance numérique, au format d’un outil d’auto-évaluation en ligne. Du côté de la Swiss Digital Initiative, on assume vouloir toucher un public beaucoup plus large que les seuls grands groupes : « Les nouveaux outils ne sont pas destinés à des multinationales, qui possèdent en interne toutes les compétences pour la gestion des données. Nous nous adressons à des PME, par exemple, qui doivent sans cesse s’adapter à un cadre légal qui évolue, et à des exigences d’utilisateurs qui augmentent », assume Fathi Derder, pour Le Temps.
Avec l’ouverture du campus Unlimitrust du groupe SICPA, un fourmillement d’initiatives
Mais ce n’est pas tout. En Suisse, un fourmillement d’initiatives se déploie dans ce domaine sensible, né du constat d’un déficit de confiance des citoyens helvétiques dans les services numériques. En bref, le pays veut se positionner comme le fer-de-lance d’une thématique qui, dans les années à venir, a vocation à prendre de plus en plus de place. Le groupe suisse SICPA, leader mondial des encres de sécurité pour billets de banque et des solutions de traçabilité sécurisée, vient d’ailleurs d’inaugurer son Campus Unlimitrust à Prilly, dans le canton de Vaud. Un centre unique au monde de 50 000 m2, entièrement dédié à l’économie de la confiance, supposé héberger des spécialistes de l’innovation du groupe, plusieurs entreprises, mais aussi des startups, qui bénéficieront d’un écosystème faisant converger les fondamentaux pédagogiques avec la présence centrale de l’école polytechnique fédérale de Lausanne et le dynamisme des aventures naissantes, épaulées par l’expérience quasi-centenaire de Sicpa.
Son but ? Accélérer la confiance dans les interactions des citoyens, des entreprises, etdes personnes publiques entre elles, afin de « créer un monde plus sûr et plus fiable pour tous à travers la collaboration et la mise en commun d’expertises multiples », ambitionne Philippe Amon, Président et administrateur délégué de SICPA. Ce centre a reçu l’assentiment d’un autre poids lourd de la confiance numérique en Suisse, l’Economy of Trust Foundation, qui se donne pour mission de former les cadres dirigeants à l’économie de la confiance. En tout et pour tout, douze startups suisses ont fait le déplacement jusqu’à Paris, toutes spécialisées sur la confiance numérique. En France, la notion reste encore plus exploitée.
Défis autour de l’intelligence artificielle
Et pourtant, cette année, Vivatech est aussi le salon des inquiétudes. L’intelligence artificielle, l’un des segments les plus stratégiques de l’économie numérique, s’inscrit de plus en plus dans la logique d’une compétition mondiale, dans laquelle Chine et États-Unis aspirent à prendre la tête. Dans ce contexte, le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé un plan de soutien à 500 millions d’euros pour la filière française de l’IA.
Son but ? Créer « cinq à dix clusters » sur l’IA pouvant devenir des pôles d’expertise de niveau international. Insuffisant pour le secteur, qui gardait en tête le 1,5 milliard d’euros annoncé pour l’industrie en 2018. Ces annonces ont été complétées d’autres engagements plus spécifiques, notamment un soutien de 50 millions d’euros pour renforcer le supercalculateur Jean Zay ou encore 40 millions d’euros pour organiser un challenge sur l’IA d’usage général, afin de renforcer les sources en français dans les bases de données. En tout et pour tout, 125 jeunes pousses ont été distinguées dans le cadre du plan France 2030 et devraient bénéficier de financement.
C’est dans le domaine de la réglementation, que la tension monte de plus en plus. Alors que les eurodéputés ont approuvé un projet de régulation des systèmes de type ChatGPT, Emmanuel Macron s’est inquiété d’un encadrement trop contraignant qui pourrait brider le secteur. « Le pire scénario serait une Europe qui investit beaucoup moins que les Américains et les Chinois et qui commencerait par créer de la régulation. Ce scénario est possible, ce ne serait pas celui que je soutiendrais », a averti le président de la République. Encore discrète, la notion devrait petit à petit gagner du terrain en Europe, sous la pression d’une opinion publique de plus en plus inquiète et acculturée à ces problématiques. Dans un contexte où les risques du faux prennent une importance parfois inquiétante, nul doute que le thème de la confiance a de beaux jours devant lui.