L’Europe se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Face aux géants américains et chinois, notre continent, malgré ses capacités intellectuelles et technologiques, peine à rivaliser en termes de productivité et d’innovation. Comment rattraper ce retard technologique, qui menace notre souveraineté économique et notre avenir ?
« Les deux vaccins qui ont permis de mettre fin à la pandémie ont été d’invention française et allemande, mais financés et produits aux États-Unis ». Dans cet exemple, le fondateur du fonds d’investissement La Maison Michel Cicurel voit le symbole d’une faiblesse structurelle à développer et à commercialiser nos innovations. La course technologique met en lumière un fossé alarmant entre l’Europe et ses rivaux. Tandis que les États-Unis et la Chine déploient des investissements massifs dans la recherche et le développement, en particulier dans l’intelligence artificielle et les technologies de pointe, l’Europe peine à suivre le rythme.
Bâtir une stratégie de productivité pour combattre le vieillissement endémique
Pour rester compétitive, l’Europe a besoin d’actifs productifs. Cependant, le vieillissement de la population européenne est une réalité. Au 1er janvier 2024, une personne sur cinq est âgée de plus de 65 ans en France, tandis qu’au niveau européen, Eurostat projette que la population tomberait à 419,4 millions en 2100, contre 448,8 millions en 2022. Ce phénomène entraîne avec lui une augmentation des dépenses de santé et des retraites, tout en réduisant logiquement le nombre d’actifs.
Sans une productivité accrue, notre modèle économique risque de s’effondrer. La technologie, notamment l’intelligence artificielle générative, offre des solutions potentielles pour améliorer l’efficacité des soins de santé et augmenter la productivité dans divers secteurs. Un investissement nécessaire dans la technologie de pointe, mais qui ne pourra pas compter, pour l’économiste, « ni sur les finances publiques surchargées d’État-providence, ni sur un grand emprunt ».
L’Europe ne pourra pas non plus se contenter de protéger ses marchés pour avancer ses pions. Pour Michel Cicurel, « sans immigration pour compenser la baisse des actifs, il n’y a que les progrès de productivité ». Une immigration maîtrisée et ciblée, couplée à des investissements massifs dans les domaines technologiques, pourrait compenser la baisse des actifs.
Une révolution culturelle nécessaire ?
Pour combler ce retard, l’Europe doit opérer une véritable révolution culturelle. Il ne s’agit pas seulement d’augmenter les budgets de recherche et développement, mais de transformer notre approche de l’innovation et de la réglementation.
« Lorsqu’il manque pour créer, on interdit ! », Michel Cicurel pointe du doigt les lourdeurs bureaucratiques et les normes restrictives qui freinent la capacité d’entreprendre et d’innover. Il est impératif de créer un environnement où les idées peuvent se transformer rapidement en produits et services compétitifs sur le marché mondial.
Les politiques monétaires et financières jouent naturellement un rôle crucial. L’exemple de Mario Draghi et sa politique du « quoi qu’il en coûte » a démontré que l’audace monétaire peut sauver l’économie européenne en période de crise. Il est temps d’adopter une approche similaire pour financer notre souveraineté technologique. L’Europe doit être prête à investir massivement, même à crédit, pour rattraper son retard et se positionner comme un leader technologique.
La souveraineté technologique de l’Europe n’est pas un luxe, mais une nécessité. Sans une action rapide et décisive, nous risquons de devenir spectateurs des avancées technologiques américaines et chinoises. L’Europe devra faire preuve d’audace et transformer ses atouts intellectuels en puissance économique et technologique. Le chemin est difficile, mais est le seul qui garantira notre prospérité et notre indépendance futures.
L’Europe doit s’inspirer de la France en matière de libéralisme. Comme le dit Michel Cicurel au Figaro : « la France est équilibrée, pratique un libéralisme économique bien tempéré donc durable ». Malgré les déchirements internes et les contradictions de la société française, il remarque que « ces déchirements permanents, finalement maîtrisés, font notre grandeur ». En somme, pour que l’Europe rattrape son retard, il faut une stratégie qui allie innovation, productivité et audace monétaire.