Grâce à des investissements ciblés et une stratégie nationale, le Maroc ambitionne de renforcer son autonomie numérique d’ici 2030. Le pays cherche à réduire sa dépendance aux géants technologiques internationaux tout en développant ses infrastructures et en soutenant la formation de ses talents.
Le Maroc souhaite bâtir une souveraineté numérique solide, est ainsi réduire sa dépendance aux grandes entreprises technologiques internationales. Grâce à une stratégie nationale bien définie et des investissements ciblés, le pays espère devenir autonome sur le plan numérique d’ici 2030, tout en favorisant son développement économique et social.
Depuis l’arrivée d’internet en 1995, le Royaume a mis en œuvre de nombreuses initiatives pour rattraper ses retards structurels, tout en misant sur ses atouts. En 2023, la stratégie « Maroc Digital 2030 » a été lancée, plaçant la souveraineté numérique au cœur de ses priorités. Mais où en est le Maroc dans ce processus ambitieux ?
Renforcement des infrastructures de connectivité
Depuis deux décennies, le Maroc a investi plus de 40 milliards de dollars pour moderniser ses infrastructures de transport et numériques, comprenant les réseaux routiers, aériens et ferroviaires. Parallèlement, le pays s’est hissé parmi les leaders africains du numérique, avec l’une des meilleures couvertures internet du continent et une qualité d’infrastructures qui le positionne au quatrième rang africain, selon la Banque africaine de développement. Ces efforts se sont traduits par une autonomie accrue en matière de connectivité internationale, en particulier grâce à la possession de câbles sous-marins qui assurent une certaine indépendance. Par exemple, lors de récentes ruptures de câbles ayant touché l’Afrique de l’Ouest, le Maroc a pu rester connecté sans perturbations.
Une économie digitale en pleine évolution
Si le Maroc peut se féliciter de la qualité de ses infrastructures, il reste encore du chemin à parcourir pour maximiser les usages numériques. D’après le Programme des Nations Unies pour le développement, l’économie digitale marocaine n’exploite actuellement que 57 % de son potentiel, tandis que l’inclusion numérique atteint seulement 51 %. Malgré des réglementations favorables et des formations de qualité, la transition numérique du pays doit encore gagner en efficacité pour mieux exploiter ses atouts.
Les défis sont particulièrement marqués dans la digitalisation des services publics et l’accès aux financements pour les entreprises du numérique. Le secteur gouvernemental, bien qu’en progrès, souffre d’un manque de coordination entre les multiples projets, ce qui nuit à la cohérence de la stratégie numérique globale. La dépendance aux puissances technologiques internationales, comme les États-Unis ou la Chine, ajoute à la complexité de la tâche. Pour limiter les risques d’ingérence, le Maroc a légiféré en 2022 pour interdire l’hébergement de données sensibles à l’étranger. Cette loi impose que les informations stratégiques soient stockées sur le territoire marocain, mais la mise en œuvre de cette mesure reste à évaluer.
Priorités stratégiques et cybersécurité
Le Maroc a également mis l’accent sur la sécurisation de ses infrastructures critiques et le renforcement de la cybersécurité. Le pays a installé un supercalculateur à l’Université Mohammed VI Polytechnique, déployé un cloud souverain, et prévoit une couverture nationale en 5G visant à couvrir 70 % de la population. Par ailleurs, il investit dans l’expansion de la fibre optique pour réduire la fracture numérique entre les zones urbaines et rurales. Ces efforts témoignent de la volonté du Maroc de se positionner comme un pôle numérique régional en Afrique.
Pour atteindre cet objectif, le concept des Actifs Numériques d’Importance Vitale (ANIV) a été introduit par l’Institut Marocain d’Intelligence Stratégique (IMIS). Cette approche englobe la gestion des infrastructures physiques et des ressources immatérielles, telles que les datacenters, la protection des données stratégiques, et la sécurisation des réseaux de télécommunication. La stratégie ANIV repose sur cinq piliers, regroupés sous l’acronyme GIRON : Gouverner, Innover, Réglementer, Orienter et Naviguer. Ces axes permettent de structurer les efforts du Maroc vers une autonomie numérique progressive, en favorisant la collaboration entre le secteur public et privé et en encourageant l’émergence de champions locaux.
Capital humain et talents
La réussite de cette transition numérique repose en grande partie sur le développement des compétences locales. Conscient de cet enjeu, le Maroc investit dans la formation de ses jeunes talents, notamment dans les domaines de l’intelligence artificielle, de la cybersécurité et du cloud. Toutefois, la fuite des compétences reste un défi à relever, nécessitant des programmes incitatifs pour retenir ces talents sur le territoire. La mobilisation de la diaspora, qui représente un fort potentiel, est également cruciale. Lors de son discours de mars 2023, le Roi Mohammed VI a rappelé l’importance de renforcer le capital humain pour soutenir la souveraineté industrielle et numérique du pays.
En somme, le Maroc avance pas à pas vers une indépendance numérique, misant sur des infrastructures solides, une réglementation adaptée et le développement des talents. Si les défis restent nombreux, la stratégie mise en place pourrait permettre au Royaume de s’imposer comme un acteur clé du numérique en Afrique à l’horizon 2030.