Souveraineté numérique, contenus violents, protection des données : pourquoi quitter X semble de plus en plus justifié

Souveraineté numérique, contenus violents, protection des données : pourquoi quitter X semble de plus en plus justifié
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Depuis son rachat par Elon Musk, le réseau social X, a connu une évolution inquiétante sur plusieurs fronts, bien au-delà de la seule dimension politique. Alors que les débats publics se sont focalisés sur les choix idéologiques de Musk et son utilisation du réseau à des fins de propagande, un autre phénomène, bien plus préoccupant, s’est développé en coulisses : l’essor de contenus violents et vulgaires, ainsi qu’une gestion défaillante des données personnelles des utilisateurs.

En 2024, X a pris une décision radicale : autoriser la publication de contenus pornographiques, à condition qu’ils soient « marqués » et que les personnes représentées donnent leur consentement. Si cette décision a pour objectif de s’adapter aux standards du web adulte, elle soulève des inquiétudes majeures, notamment en ce qui concerne la sécurité des utilisateurs mineurs. L’accès à ces contenus est facilité par des déclarations d’âge facilement contournables, et la banalisation de la pornographie ne se limite pas à ce seul aspect. Un autre phénomène préoccupant a émergé : la diffusion aléatoire de vidéos violentes et choquantes, dont les utilisateurs sont désormais inondés, sans rapport avec leurs abonnements. Des scènes de violences de rue, des agressions sexuelles ou des vidéos d’une vulgarité inouïe sont proposées en continu, et leur omniprésence sur la plateforme transforme l’expérience utilisateur en un enchaînement de stimuli négatifs. Ces contenus, qui étaient encore rares il y a quelques mois, sont désormais la norme, allant à l’encontre de l’aspiration originelle des utilisateurs à un espace de sociabilité.

L’impact de cette évolution est renforcé par la suppression de nombreux postes de modérateurs, ce qui a contribué à un relâchement général de la surveillance des contenus. En conséquence, le taux de contenus violents considérés comme acceptables par X a bondi de 53 % à 65 % en une année.

Cette dérive de la modération des contenus ne s’arrête pas là. En parallèle, la plateforme a fait un virage inquiétant en matière de gestion des données personnelles. Depuis mai 2024, X utilise les informations des utilisateurs européens pour alimenter GROK, son système d’intelligence artificielle, une démarche en totale violation du règlement général sur la protection des données (RGPD). Ce transfert des données personnelles se fait sans consentement préalable des utilisateurs, et la possibilité de s’y opposer est rendue délibérément complexe : il est en effet plus facile de lancer une fusée que de modifier les paramètres de confidentialité depuis l’application mobile.

Les autorités de régulation européennes, bien que conscientes de ces violations répétées, n’ont pas été capables de contraindre Musk à respecter les normes en vigueur. La Commission européenne a ouvert une procédure formelle contre X en décembre 2023, mais l’issue de cette procédure reste incertaine. Pendant ce temps, les utilisateurs continuent d’alimenter un système qui ne cesse de dériver, à la fois en termes de contenu et de gestion des données personnelles.

Face à ces dérives, une question se pose : est-il encore possible de participer à la vie publique sans être présent sur une plateforme comme X ? La tentation de rester, ne serait-ce que pour l’aspect pratique de la visibilité, est grande. Pourtant, les alternatives ne manquent pas : des plateformes comme Bluesky émergent, promettant une expérience plus saine et respectueuse des utilisateurs, bien que leur avenir reste incertain. D’autres, comme Meta, ont elles aussi été critiquées, notamment pour la gestion de la désinformation et le manque de transparence dans la publicité.

L’option la plus radicale, et la plus morale, pourrait être de quitter ces plateformes et de repenser le rapport aux réseaux sociaux. Mais pour cela, il serait peut-être temps d’explorer des solutions alternatives qui respectent véritablement la confidentialité des données et la liberté d’expression des utilisateurs. La création d’un réseau social public européen pourrait être l’un des grands défis du futur, mais avant cela, il est essentiel de garder à l’esprit qu’aucune solution n’est parfaite. Le seul véritable moyen de reprendre le contrôle sur nos vies numériques est d’être informé, de comprendre les implications des conditions d’utilisation et de toujours être prêts à faire évoluer nos choix en fonction de la direction que prend chaque plateforme.

Ainsi, quitter X pourrait devenir un acte politique et éthique, un moyen de résister aux dérives qui se multiplient sous l’effet des intérêts privés et de la marchandisation des données personnelles. Mais avant tout, il s’agit d’un acte de conscience, un choix entre la préservation de notre intimité, notre liberté et notre dignité, et la soumission aux logiques financières d’une plateforme devenue incontrôlable.