Lors du sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle, la France a affirmé sa volonté de renforcer sa souveraineté numérique. Face à la domination des géants technologiques étrangers, l’Hexagone multiplie les initiatives pour implanter des centres de données sur son territoire, garants d’un meilleur respect du RGPD et de la protection des données des citoyens.
Un contexte international sous tension
Le 11 février, le Safer Internet Day célébrait sa 22e édition avec un thème qui résonne plus que jamais : « L’IA et nous, quel futur ensemble ? ». Ce rendez-vous dédié à la sensibilisation aux bons usages du numérique coïncidait cette année avec un événement de tout autre envergure : le Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle, organisé à Paris. L’occasion pour la France de réaffirmer sa position face aux défis technologiques, réglementaires et géopolitiques posés par l’essor de l’intelligence artificielle, notamment étrangère.
Car derrière l’enthousiasme pour les avancées spectaculaires de l’IA se cache une inquiétude croissante : celle du traitement et du transfert des données personnelles des citoyens européens hors de l’Union européenne. Si le Règlement général sur la protection des données (RGPD) encadre ces pratiques, les garanties restent parfois insuffisantes face aux pratiques de certaines entreprises, en particulier américaines et chinoises.
L’inquiétude face aux IA étrangères
La dernière mise à jour de DeepSeek, une intelligence artificielle chinoise, a ravivé les craintes concernant la fiabilité des systèmes développés hors d’Europe. En cause : l’envoi massif de données vers la Chine, sans réelle transparence sur leur usage. Plusieurs pays ont d’ores et déjà pris des mesures : l’Italie a interdit l’outil sur son territoire, tandis que la France, la Belgique, l’Irlande et la Corée du Sud ont ouvert des enquêtes pour vérifier la conformité de l’IA avec le RGPD.
Les IA américaines ne sont pas épargnées par ces critiques. Le RGPD impose également à ces entreprises des obligations strictes quant à la gestion des données. Toutefois, les tensions transatlantiques se sont accentuées à Paris avec la prise de parole de JD Vance, vice-président américain, qui a critiqué ouvertement la législation européenne, dénonçant notamment la loi sur les services numériques (DSA) qu’il juge trop restrictive.
Dans une déclaration controversée, JD Vance a opposé la lutte contre les prédateurs en ligne à ce qu’il considère comme une atteinte à la liberté d’expression. Une position qui reflète celle d’Elon Musk, figure influente dans l’univers technologique américain, farouchement opposé à toute forme de régulation, y compris en matière de désinformation.
Souveraineté numérique : le pari de la France
Face à ces enjeux, la France a décidé d’accélérer sa stratégie de souveraineté numérique. L’objectif est clair : maîtriser l’infrastructure technologique indispensable à l’IA en construisant des centres de données sur le territoire national. En stockant localement les données, la France entend garantir leur protection sous le cadre légal européen, tout en réduisant sa dépendance aux infrastructures des GAFAM.
L’entreprise française Mistral AI, connue pour son chatbot Le Chat, a annoncé l’ouverture prochaine d’un centre de données dans l’Essonne. Cette initiative s’inscrit dans un plan d’investissement bien plus vaste présenté par Emmanuel Macron : 109 milliards d’euros d’investissements privés dans le secteur de l’intelligence artificielle. Parmi eux, 50 milliards proviendront des Émirats arabes unis pour la construction d’un gigantesque centre de données d’un gigawatt, tandis que 20 milliards viendront du groupe canadien Brookfield.
Une carte dévoilée par le président recense 35 sites prévus pour accueillir ces infrastructures, certains déjà disponibles, d’autres en développement. L’ambition est de créer un écosystème technologique robuste et sécurisé, capable de rivaliser avec les géants américains et asiatiques tout en respectant les normes européennes.
Vers une Europe plus indépendante ?
Au-delà de la France, c’est toute l’Europe qui est appelée à repenser sa stratégie numérique. L’un des enjeux majeurs est la création d’un cadre technologique propre, dans lequel les données européennes sont protégées par des lois européennes, sur des infrastructures européennes. Une équation qui semble simple, mais qui se heurte encore à de nombreux défis techniques, économiques et diplomatiques.
La multiplication des centres de données en France pourrait servir de modèle à d’autres pays. En renforçant sa souveraineté numérique, la France se positionne comme un acteur moteur au sein de l’UE dans la régulation et le développement éthique de l’IA.
À l’heure où les intelligences artificielles influencent de plus en plus nos sociétés, garantir la sécurité et la souveraineté des données apparaît comme une nécessité. Et la France semble bien décidée à prendre les devants.