OpenAI pousse Trump à assouplir le droit d’auteur pour l’entraînement de ses IA

OpenAI pousse Trump à assouplir le droit d’auteur pour l’entraînement de ses IA
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Alors que l’entreprise est dans le viseur de plusieurs médias pour usage abusif de contenus protégés, elle appelle l’administration Trump à assouplir les règles du droit d’auteur au nom de la “liberté d’apprentissage”.

Un plaidoyer inattendu en faveur du fair use
OpenAI veut un feu vert officiel pour continuer à entraîner ses intelligences artificielles sur des contenus protégés par le droit d’auteur. L’entreprise dirigée par Sam Altman a récemment publié une série de recommandations sur son site web à l’attention de la Maison-Blanche. Objectif : influencer le plan d’action sur l’IA que Donald Trump prévoit de mettre en œuvre d’ici juillet 2025.

Dans ce document qualifié de “centré sur la liberté”, OpenAI demande que l’administration fédérale entérine l’utilisation d’œuvres sous copyright dans l’entraînement de ses IA, au nom de la doctrine du fair use, ou usage équitable.

L’entreprise affirme que ses modèles de langage, comme ChatGPT, ne reproduisent pas les œuvres telles quelles, mais qu’ils “extraient des schémas, des structures linguistiques et des informations contextuelles”. Elle soutient ainsi que l’entraînement de ses IA “respecte les objectifs fondamentaux du droit d’auteur”, et contribue à produire “quelque chose de totalement nouveau et différent, sans en altérer la valeur commerciale”.

La justice met OpenAI sous pression
Cette tentative de régularisation intervient alors que l’entreprise fait face à une série de poursuites judiciaires de la part de grands groupes de presse. Depuis la fin 2023, des médias comme The New York Times, BBC, The Intercept, ou encore Raw Story ont saisi la justice pour dénoncer l’exploitation de leurs contenus sans autorisation. Ces accusations visent principalement l’entraînement des modèles GPT, nourris par des bases de données colossales compilées à partir du web, de livres numérisés ou encore de forums comme Reddit.

En janvier 2024, dans un rare aveu, OpenAI a reconnu publiquement qu’il lui était “impossible” de développer ses outils sans puiser dans des œuvres protégées. Une déclaration lourde de conséquences, dans un contexte où certaines juridictions commencent à remettre en cause l’argument de l’usage équitable pour justifier ce type de pratique. Une décision de justice récente a d’ailleurs donné raison à plusieurs détenteurs de droits d’auteur, ébranlant la défense juridique de la firme californienne.

La guerre des données a commencé
Mais OpenAI n’est pas seule sur ce front. Le 21 mars 2025, des documents judiciaires ont révélé que Meta (la maison mère de Facebook et Instagram) avait téléchargé la totalité de Library Genesis, une gigantesque bibliothèque pirate comptant plus de 7,5 millions de livres et 81 millions d’articles scientifiques. Meta, elle aussi, invoque le fair use pour justifier cette opération, arguant que les modèles d’IA “transforment” les textes originaux en nouvelles œuvres, ce qui légitimerait leur usage.

Pour les géants de la tech, la bataille pour l’accès aux données est aussi stratégique qu’idéologique. OpenAI et ses homologues avancent un argument de poids pour tenter d’emporter la décision politique : celui de la compétition internationale, en particulier face à la Chine. “Si les développeurs chinois bénéficient d’un accès illimité aux données tandis que les entreprises américaines s’en voient privées, la course à l’IA est bel et bien terminée”, écrit noir sur blanc OpenAI dans son plaidoyer.

Un droit d’auteur à géométrie variable ?
Cette volonté de modifier le cadre légal fait bondir les défenseurs du droit d’auteur. Car si les IA sont effectivement capables de transformer les textes, leur entraînement repose toujours sur le travail d’auteurs, journalistes, chercheurs ou artistes, souvent utilisé sans leur consentement. Le débat autour du fair use devient donc central : s’agit-il d’un outil de progrès technologique ou d’un prétexte pour légaliser l’appropriation de contenus protégés ?

La réponse, en partie politique, pourrait bien dépendre de la position adoptée par Donald Trump. Le prochain plan d’action de son administration sur l’intelligence artificielle, attendu cet été, pourrait changer durablement les règles du jeu. En attendant, OpenAI joue carte sur table : elle ne cache plus qu’elle a besoin de “manger les livres” pour continuer à dominer le marché de l’IA.