Contraint de s’adapter aux nouvelles pratiques, le secteur de la culture voit aujourd’hui se multiplier les applications numériques en tous genres. À l’image d’Artips ou de Cultur’o Game, le succès de ces interfaces ludiques offre des perspectives intéressantes pour le secteur de la culture et des nouvelles technologies.
Au musée, à la bibliothèque ou au théâtre, la culture était, il y a encore peu de temps, un des rares domaines à être épargné par la digitalisation de la société. Mais avec l’avènement des générations Y et Z, adeptes de l’hyper-connexion, le secteur culturel ne pouvait plus échapper à la révolution numérique s’il voulait toucher ces nouveaux publics. Nombreuses, en effet, sont les applications qui s’y sont développées ces dernières années. C’est le cas de Cultur’o Game, un service de jeux permettant de découvrir pléthore de contenus culturels et patrimoniaux à partir de son téléphone, de sa tablette ou de son ordinateur.
Les success-stories de la « culture tech »
En partant du constat que 60 % des Français jouent sur leur mobile, notamment dans les transports en commun, Aube Lebel a créé la startup Clicmuse, qui a donné naissance à l’application Cultur’o Game. Son idée : utiliser les temps d’attente du quotidien pour proposer des activités culturelles ludiques (quiz, énigmes, visites connectées, etc.) sur le web, les réseaux sociaux et sur les écrans de mobilier urbain. Depuis fin 2016, une expérimentation a ainsi été lancée avec la Mairie de Paris et JC Decaux sur des bornes tactiles disposées dans 100 abribus, qui donnent accès à différents jeux. Environ 8 000 personnes se sont déjà laissées tenter, les incitant à se rendre ensuite dans les musées, expositions et sites culturels alentours. Clicmuse entend continuer à étendre son offre au sein de l’accélérateur The Brigde soutenu par la French Tech Culture Provence d’Avignon. Pour récompenser les initiatives dans le domaine de la culture et soutenir les jeunes start-ups qui ont l’ambition de démocratiser l’accès à la culture, le Groupe Audiens a créé en 2013 un « Prix de l’Initiative Numérique ». En 2017, lors de sa 4e édition, le groupe de protection sociale des secteurs de la culture et de la communication a décerné ce Prix à Clicmuse. Une manière aussi pour le groupe, selon Eric Breux directeur du Pôle Entreprises et Institutions d’Audiens, de mettre « son expertise au service de tous ceux qui contribuent au rayonnement de la culture ». Le groupe est déjà très engagé dans ce domaine, via sa « nurserie » qui propose un « dispositif dédié aux projets entrepreneuriaux innovants dans les industries culturelles et créatives » (espace de co-working au sein de leurs locaux, accompagnement ponctuel en interne sur le volet juridique, social, etc.).
Autre success-story de la « culture tech », Artips propose, quant à elle, de rendre l’histoire de l’art plus accessible à travers des anecdotes courtes et ludiques envoyées chaque jour via une newsletter gratuite. L’idée a remporté un vif succès, avec 5000 abonnés sans publicité dès les deux premières semaines de son lancement. Aujourd’hui, la startup en revendique plus de 500 000, « soit autant que Télérama ! », ose sa co-fondatrice Coline Debayle, qui considère sa newsletter comme « un média à part entière ». Pas moins de 200 rédacteurs experts contribuent à Artips, qui a également développé une application gratuite, L’art en 10 secrets, financée grâce aux 23 000 euros de dons récoltés sur la plateforme de crowdfunding Kickstarter. L’entreprise parisienne, qui a noué des partenariats avec plus de 80 musées comme le MuCEM de Marseille, le Louvre, le Musée du Quai Branly et même le Palais de Tokyo, envisage à présent d’élargir son modèle à la science et la gastronomie.
Le numérique pour rendre la culture plus accessible
Devant ce phénomène, des entreprises traditionnelles se sont aussi prises au jeu de la culture tech en lançant leur propre interface. La SNCF a ainsi créé l’application Hapi (Histoires et anecdotes du patrimoine d’Île-de-France), qui distille plus de 700 anecdotes sur des lieux historiques (châteaux, monuments, parcs, forêts, musées, etc.) croisés sur le trajet des utilisateurs. Une manière d’inciter les voyageurs à découvrir ces trésors du patrimoine, tout en donnant un coup de jeune à l’image du groupe ferroviaire. Dans le cadre de l’exposition « Paul Durand-Ruel, le pari de l’impressionnisme », l’entreprise Orange a, de son côté, proposé en 2014 un MOOC (programme de cours gratuits en ligne) sur le sujet, qui a enregistré près de 11 500 inscriptions. Devant l’engouement, l’opérateur téléphonique en a sorti plusieurs autres sur Picasso, Louis XIV, L’atelier de Courbet et Les origines de l’Homme. Le dernier en date, Une brève histoire de l’art, compte déjà plus de 20 000 inscrits près d’un mois après son lancement. Mis au point en partenariat avec plusieurs musées, ces programmes ont déjà été suivis par plus de 62 000 personnes.
Toutes ces initiatives pointent vers un même objectif : celui de rapprocher le public des sites culturels comportant, pour beaucoup d’entre eux, de trop nombreuses contraintes. Selon une étude internationale menée par le cabinet de conseil en stratégie et en communication Kurt Salmon en 2014, faire la queue est un frein pour 50 % des consommateurs de produits culturels, tout comme suivre un parcours préétabli pour 35 % d’entre eux, acheter les billets sur place pour 29 % et respecter les horaires d’ouverture pour 25 %.
Si les visites en 3D permettent de répondre à certaines attentes, les technologies d’information et de communication évoluent également pour atteindre de nouveaux publics. D’après une enquête de la BNP Paribas, internet et les réseaux sociaux sont les sources les plus prisées par les jeunes pour découvrir des contenus culturels d’usages fréquents. Des moyens également très prisés pour partager ses expériences du quotidien. Grâce aux nouvelles technologies et à la manière dont les jeunes générations s’approprient ces nouveaux outils, la culture semble ne plus être réservée à une élite.