Bridage de la 4G : Bouygues Telecom respecte-t-il toujours la neutralité du net ?

Bridage de la 4G : Bouygues Telecom respecte-t-il toujours la neutralité du net ?
Réglementaire

bridage-4g-bouygues-neutralite-net

Le nouveau mini-forfait de Bouygues Telecom pose de vraies questions sur l’accès à Internet et sur sa neutralité : pour un prix très attractif, l’opérateur propose un forfait réduit, non en volume, mais en débit. La 4G permet en effet ce tour de passe-passe. Le début d’un Internet à plusieurs vitesse ? Peut-être…

« Si pour maîtriser votre budget, vous êtes prêt à patienter quelques secondes de plus pour télécharger une vidéo, la série B&YOU light est faite pour vous ! » : la publicité a le mérite d’annoncer la couleur. Le nouveau forfait commercialisé, en édition limitée, par Bouygues Telecom, propose en effet, pour 9,99 euros par mois, des appels et sms illimités et un accès à la 4G… limité à 2Mb/s.

Un débit qui renvoie d’un coup l’utilisateur plusieurs années en arrière. Il permet aussi, par contre coup, de valoriser les offres « normales » de l’opérateur, qui proposent un service Internet devenu traditionnel sur les forfaits mobile ; dans un tweet, Bouygues Telecom a ainsi déclaré : « Pas de 4K, mais le 480p reste une très bonne définition sur mobile ☺ N’hésitez pas à vous tourner vers nos autres forfaits si besoin. ».

Si le forfait vise clairement les utilisateurs pour qui un accès 4G n’est pas une priorité et qui n’utilisent Internet sur leur mobile que parcimonieusement, il pose une vraie question : avec cette offre, Bouygues Telecom respecte-t-il toujours la neutralité du net ?

La neutralité du net en question

On envisage le plus souvent cette neutralité au niveau des flux de contenus et des éventuelles limitations ou accélérations qu’offriraient, moyennant finance, les fournisseurs d’accès. En gros, des autoroutes, à débit plus rapide, pour les site ayant les moyens de payer, notamment les géants du net ; pour les autres, qui ne peuvent pas payer, un débit plus réduit.

De ce point de vue, l’offre de Bouygues respecte le principe, puisque l’accès à tous les sites et tous les services sera identiquement lent avec ce forfait. La vraie question est de savoir si limiter techniquement la vitesse d’accès de l’utilisateur alors qu’il utilise un réseau rapide permet de rester dans les clous de la neutralité du net.

Brider la 4G la remet-elle en cause ?

Pour nos collègues de Ginjfo.com, la réponse est clairement non. Brider la 4G revient à introduire « des priorités selon les formules tarifaires de ses abonnés », ce qui est contraire à la neutralité de réseau qui prévoit que les « utilisateurs ne feront face à aucune gestion du trafic internet qui aurait pour effet de limiter leur accès aux applications et services distribués sur le réseau ».

Le cas est en effet distinct des situations où plusieurs offres différentes existent, avec des vitesses différentes, mais qui s’expliquent par des technologies différentes. Typiquement, à l’époque où des opérateurs proposaient des forfaits avec de la 3G ou de la 4G, et des forfaits sans : opter pour un forfait sans cette technologie expliquait que le débit soit plus faible. Ce qui ne contrariait pas la neutralité du net.

Ce cas n’est pas envisagé par les législateurs

Cette situation est plus complexe. Fondamentalement, les lignes directrices sur la neutralité du net en Union Européenne présentées par le BEREC en août 2016 n’évoquent pas ce cas – alors qu’il s’agit, au niveau mondial, du texte le plus clair, précis et contraignant existant sur le sujet.

Tous les cas évoqués se concentrent sur des vitesses de trafic différentes suivant les sites ou applications visitées, des vitesses de trafic différentes en fonction du support de connexion (ordinateur, mobile, tablette…) ou des restrictions d’accès à certains sites ou applications en fonction du type de forfait ou de support de connexion (par exemple proposer un accès Internet limité à certains sites ou bloquant certains sites).

Une pratique contraire à l’esprit mais pas aux lois sur la neutralité du net

Mais l’on pourra arguer que le cas de deux mobiles ayant tous les deux la 4G, mais dont l’un voit son débit limité, ressemble beaucoup au cas où un mobile disposerait d’un débit réduit par rapport à un ordinateur connecté au même réseau Wifi par exemple. La démarche de Bouygues Telecom remet bien en cause l’esprit de la neutralité du net, même si elle respecte les différentes formes législatives qu’elle prend pour l’instant.

Il faudrait sans doute que les législateurs s’emparent de cette affaire, rapidement, et statuent si, oui ou non, les Fournisseurs d’Accès à Internet peuvent pratiquer ces bridages sans violer la neutralité du net. Car ce genre de pratiques risque, surtout en cas de succès de l’offre B&YOU light, de se multiplier comme les poissons de la pêche miraculeuse…