Le nouveau commissaire européen en charge du marché intérieur, Thierry Breton, vient d’évoquer la nécessité de durcir la responsabilité judiciaire des GAFA, en particulier dans l’hébergement de contenus illicites. Une prise de position cohérente avec la volonté de la nouvelle présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, de mettre en place une « nouvelle législation sur les services numériques ».
Au niveau mondial, l’Union Européenne est une des bêtes noires des géants du net. Entre les amendes à répétition pour abus de position de dominante (coucou Google !), les injonctions à clarifier les conditions d’utilisation ou la mise en place d’un texte aussi fondamental et robuste que le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), c’est peu dire que les GAFA sont dans le viseur de la Commission Européenne.
Directive sur l’e-commerce : responsabilité limitée pour les GAFA
Et la situation pourrait encore évoluer, notamment sur le terrain (très sensible) de la responsabilité judiciaire des plateformes. Elle est pour l’heure réglée, au niveau européen, par la directive sur l’e-commerce de 2000, qui sanctifie un principe auquel les GAFA sont (évidemment) très attachés : les plateformes numériques ne peuvent être tenues responsables des contenus que l’on y retrouve, aussi grave, dangereux et illégaux soient-ils. Elles ne deviennent responsables que si on leur signale un contenu illicite et qu’elles ne l’effacent pas assez vite.
Cet état de fait arrange bien évidemment ces groupes américains. Mais la donne pourrait changer : la nouvelle Commission Européenne semble en tout cas déterminée à faire évoluer la législation pour durcir la responsabilité judiciaires des GAFA – étant entendu que la collaboration et l’auto-censure sur la base du volontariat n’ont jamais donné de fruits convaincants.
La Commission veut une « nouvelle législation sur les services numériques » ?
Dès la présentation des orientations politiques de la nouvelle présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, le ton était donné : elle y affirme sa volonté de mettre sur pied une « nouvelle législation sur les services numériques », qui « renforcera nos règles en matière de responsabilité et de sécurité pour les plateformes, les services et les produits numériques ».
Et cette mission semble avoir été confié au nouveau commissaire au marché intérieur, le français Thierry Breton, ex-ministre de l’Economie et ancien patron de France Telecom. Dans un entretien accordé aux Echos, il a été clair sur ses intentions : pour lui, il « faut évidemment mettre les plates-formes face à leurs responsabilités », tout précisant qu’il n’est plus acceptable que « cinq ou six grands acteurs stockent 80 % des données de la planète sans se considérer responsables des usages qui en sont faits ».
« Renforcer la responsabilité des grandes plates-formes », oui, mais comment ?
En conséquence, pour la Commission Européenne, il faut « vite renforcer la responsabilité des grandes plates-formes ». En revanche, aucun indice n’a été donné sur le modus operandi, ou les grandes orientations d’une éventuelle réforme.
Thierry Breton précise certes que « la directive e-commerce a longtemps fonctionné, mais l’environnement et les usages ont considérablement évolué depuis son adoption », mais sans affirmer qu’il faut nécessairement la réviser : « je préférerais le faire dans le cadre de la directive e-commerce, mais nous verrons s’il nous faut aller plus loin », complète le nouveau commissaire.
En clair : des intentions, une volonté, mais pas de plan de bataille, ou si peu. Tout reste donc à faire, et l’administration européenne n’étant pas connue pour sa célérité (doux euphémisme), il faudra de très longs mois pour voir émerger des idées plus concrètes. Et bien plus longtemps encore pour les voir transformées en lois.
Le lobby des GAFA fourbit ses armes…
De quoi laisser un peu de temps aux géants du net pour mettre en branle leur puissante capacité de lobbying. Hasard ou coïncidence ? Edima, le lobby qui représente entre autre Google, Amazon, Facebook, Twitter, Microsoft, Apple, eBay ou Airbnb, se montre déjà très ferme : le principe de la responsabilité limitée des plateformes ne peut pas être remis en question.
Reste à savoir si la volonté de la nouvelle Commission Européenne se transformera en une véritable croisade comparable à celle du RGPD, ou si elle s’étouffera dans un pétard mouillé.