A l’ombre du téléchargement et du streaming, une autre forme de piratage audiovisuel ne cesse de prendre de l’ampleur : l’IPTV illégale. Son principe ? Fournir, contre un abonnement modique, un accès à des bouquets de chaînes payantes ou de service de SVOD. Cette IPTV viole le droit d’auteur et fragilise les mondes de la culture et du sport, déjà rudement touchés par la crise du Covid-19. Pourtant, l’Arcom, qui va succéder à la HADOPI, disposera-t-elle d’armes réellement efficaces pour la contrecarrer ?
Depuis quelques années, le piratage audiovisuel a pris un nouveau visage avec le détournement de l’Internet Protocol Television (IPTV). Si, à la base, un boitier IPTV a pour principe de visionner sur son téléviseur des contenus issus d’Internet (la possession de ces boitiers est donc parfaitement légale), cette technologie a été détournée par des hackers.
L’IPTV illégale : des abonnements avec un aspect de légalité
Ils l’utilisent en effet pour proposer des abonnements frauduleux à un ensemble d’offres payantes : pour 110 euros par an, vous pouvez par exemple accéder à tous les bouquets sportifs francophones, ou à tous les services de SVOD payants. Il suffit de souscrire un abonnement et de charger un fichier reçu via une clé USB sur le boitier.
Les offres ont parfois l’aspect de la légalité, un peu comme les sites de streaming à abonnement : pour beaucoup d’utilisateurs, le fait de payer un service leur donne la sensation de ne rien faire d’illégal. Certains revendeurs contournent d’ailleurs le principal frein au développement de l’IPTV illégale, à savoir la relative complexité de son installation, en proposant des boitiers déjà pré-installés, avec des services à la carte.
Un manque à gagner conséquent pour les mondes de la culture et du sport
Pour autant, l’IPTV n’a rien d’un raz-de-marée, en particulier en France : sur les 24% de Français qui utilisent un moyen illégal de regarder la télévision payante, seuls 5% utilise des boitiers IPTV. Ce type de service pose tout de même de graves problèmes, car il permet de passer sous les radars de la majorité des moyens de contrôle actuels, et le risque d’une explosion de ces offres est réel.
D’autant que l’IPTV viole délibérément le droit d’auteur, et représente un manque à gagner conséquents pour des secteurs qui souffrent déjà terriblement des conséquences de l’épidémie de Covid-19, à savoir la culture (cinéma, création télévisuelle…) et le sport (rappelons que la manne télévisuelle allouée au sport professionnel permet de financer le sport amateur).
Des liens attestés avec la mafia
Par ailleurs, loin de l’image de robins des bois des temps modernes que certains veulent donner aux pirates audiovisuels, les réseaux de piratage IPTV, surtout les plus importants, sont très souvent liés à des organisations criminelles, comme la mafia napolitaine. Mettre sur pied un tel système est techniquement bien plus compliqué qu’ouvrir un site de streaming : l’IPTV illégale tend donc à enrichir des criminels de haut vol.
Les polices du monde entier se sont ainsi mis sur la piste de ces nouveaux réseaux de piratage audiovisuel. Mi-septembre 2019, les polices européennes ont ainsi annoncé le démantèlement d’Xtream Codes, un important réseau IPTV. Pour autant, la lutte est particulièrement difficile contre cette nouvelle forme de piratage.
La nouvelle Arcom disposera-t-il des armes adaptés à l’IPTV ?
A l’été 2019, Denis Rapone, président de la HADOPI à l’époque, demandait des armes concrètes pour lutter contre le streaming illégal et l’IPTV. Le ministre de la Culture, Franck Riester, avait admis à l’époque la nécessité d’une « mise à jour de notre logiciel ».
Depuis, les travaux de modernisation de lutte contre le piratage se sont prolongés. La HADOPI va fusionner avec le CSA pour former l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Cette entité disposera de prérogatives renforcées, et pourra sanctionner tant les fraudes sur Internet que sur la télévision – idéal pour viser l’IPTV. De nouvelles techniques de détection de fraude devraient voir le jour, et la collaboration avec les Fournisseurs d’Accès à Internet sera renforcée.
Pour les particuliers, des risques réels
Pour autant, si ces dispositifs pourraient permettre de mieux se battre contre le streaming illégal, ils risquent d’être insuffisants face à l’IPTV, surtout si cette solution continue de prendre de l’ampleur.
Du coté des particuliers qui pourraient être tenté par ce système, rappelons que vous risquez, si vous êtes pris à utiliser de l’IPTV illégale, jusqu’à 3 ans de prison et 300 000 euros d’amende. Notons également que ces services d’IPTV sont souvent utilisés pour propager des virus informatiques. Reste enfin la question morale : ayez conscience, une fois encore, que l’abonnement que vous réglez engrossera le plus souvent des mafias.