Loi sur l’audiovisuel, intermittents en danger, élection à la présidence de France Télévisions… A la fois rudement éprouvé et réhabilité par la crise sanitaire et le confinement, le petit monde de l’audiovisuel tricolore n’a jamais été aussi proche d’un si grand chamboulement.
Attendue, repoussée, remaniée, pour être finalement découpée en morceaux : à l’image de la quasi-totalité des réformes engagées par le gouvernement avant l’épidémie de Covid-19, la grande loi sur l’audiovisuel du quinquennat Macron n’aura pas survécu à la crise sanitaire — du moins dans sa mouture originelle. Lors d’une rencontre organisée le mercredi 17 juin avec les dirigeants de l’audiovisuel public et privé, le premier ministre Edouard Philippe, accompagné de ses ministres de l’Economie Bruno Le Maire et de la Culture Franck Riester, a confirmé l’éclatement du texte initial en plusieurs morceaux.
Les mesures jugées « les plus urgentes » et consensuelles seront adoptées par ordonnance : une procédure accélérée, qui concernera vraisemblablement la transposition des directives européennes droits d’auteur et câble et satellite, la modernisation de la TNT ou encore la création de l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique), entité qui fusionnera les actuels Hadopi et CSA. La transposition de la directive sur les services de médias audiovisuels (SMA) sera, quant à elle, examinée par les parlementaires dès cet été. Enfin, la création d’une holding chapeautant l’audiovisuel public (France Télévisions, Radio France, l’INA et France Médias Monde) est, a priori, repoussée aux calendes grecques.
Les intermittents du spectacle en berne
Autre dossier brûlant d’un été décidément pas comme les autres : le sort des intermittents du spectacle, qui reste suspendu aux annonces de l’Etat. L’arrêt quasi-total des activités artistiques et culturelles en France, l’impossibilité de rouvrir les salles de spectacle ou l’annulation des festivals estivaux ont plongé la profession dans l’une des pires crises de son histoire. Et le volontarisme affiché début mai par Emmanuel Macron lors de son échange avec les professionnels du monde de la culture n’a, semble-t-il, pas entièrement convaincu les principaux intéressés. Deux cents d’entre eux se sont ainsi mobilisés au début du mois de juin à Nantes, réclamant « un plan de relance au même titre que les autres secteurs d’activité ».
Le chef de l’Etat s’est pourtant engagé, le 6 mai, « à ce qu’artistes et techniciens intermittents soient prolongés jusqu’à fin août 2021 », ces derniers demandant l’instauration d’une « année blanche » prolongeant leurs droits à l’assurance chômage. Emmanuel Macron s’est également prononcé en faveur d’un « grand programme de commandes publiques » et de la création d’un fonds d’indemnisation pour les séries et tournages de cinéma annulés en raison de la crise sanitaire. Les intermittents ont, enfin, reçu l’aide des entreprises du secteur, comme Netflix, Facebook ou encore France Télévisions. La présidente du groupe d’audiovisuel public, Delphine Ernotte, a ainsi décidé d’augmenter de 20 millions d’euros son budget alloué à la création audiovisuelle, passant son enveloppe globale de 420 à 440 millions d’euros.
Delphine Ernotte, un gage de stabilité
Mme Ernotte s’est par ailleurs engagée à raccourcir les délais de paiement envers ses clients et prestataires, et a mis en place un système de « don de RTT » permettant aux salariés de France Télévisions d’aider leurs collègues moins bien lotis qu’eux. Autant de décisions solidaires qui, à défaut de « régler » la question des intermittents, leur offrent au moins une certaine forme de visibilité — un véritable luxe dans le contexte actuel. La patronne du service public est, décidément, au cœur de cette actualité culturelle particulièrement chargée, son premier mandat prenant fin et le nom du futur dirigeant de France Télévisions devant être dévoilé le 24 juillet prochain par les sages du CSA.
CSA qui vient, opportunément, de rendre public un « avis motivé » portant sur la période de gouvernance de Delphine Ernotte. Le jugement des superviseurs de l’audiovisuel français sur le premier mandat de Delphine Ernotte est, globalement, positif, les membres du CSA se félicitant qu’après vingt d’ans d’immobilisme, d’importantes réformes aient enfin pu voir le jour. Parmi elles, citons le virage numérique entrepris par France Télévisions, qui a su, en partie, combler son retard en la matière en lançant la plateforme France TV — devenue le premier média d’information du pays, avec 20 millions de visiteurs uniques par mois —, mais aussi les plateformes Slash — à destination des jeunes adultes — et, très bientôt, Salto, le futur concurrent public de Netflix. Le mandat de Mme Ernotte a également permis une consolidation éditoriale, le JT de France 2 rattrapant presque son historique concurrent de TF1, tout en accordant une meilleure représentation aux minorités. Autant d’arguments jouant en faveur du maintien de Mme Ernotte qui, consciente de jouer son poste et la continuité des politiques qu’elle a impulsées, vient d’ailleurs de procéder à deux nouvelles nominations stratégiques, propulsant Laurent Guimier à la tête de la chaîne Franceinfo, et le documentariste Diego Bunuel à la direction des programmes.