Le numérique représente une part croissante de la consommation électrique mondiale. Et, en la matière, les data-centers se taillent la part du lion. Une situation d’autant plus problématique que leur nombre et leur taille ne devraient cesser de croître dans les années à venir. Pourtant, des technologies permettent déjà de réaliser d’importantes économies d’énergie dans les data-centers.
La facture énergétique du numérique ne cesse de croître, et ce n’est pas l’avènement de la 5G qui devrait changer la donne. Avec l’explosion des débits mobiles, les quantités de données échangées et stockées devraient exploser. Et, avec elles, la consommation électrique des data-centers.
Les data-centers, « des réfrigérateurs qui contiennent des radiateurs »
Ces gigantesques centres informatiques alignent en effet les CPU en réseau, fonctionnant 24 heures sur 24 heures pour stocker, traiter et organiser ces données. A l’électricité utilisée pour leur fonctionnement, il faut ajouter l’énergie considérable nécessaire à leur refroidissement, représentant jusqu’à 40% de la consommation électrique d’un data-centers. « Ce sont des réfrigérateurs qui contiennent des radiateurs. Forcément, la consommation est énorme », analyse Frédéric Bordage, expert en informatique durable et spécialiste du numérique responsable.
Il estime ainsi l’impact énergétique des data-centers entre 10 et 15% de l’empreinte numérique. En 2018, ces centres de données ont nécessité 200 TWh d’électricité au niveau mondial. Soit, à eux seuls, l’équivalent de 42% de la consommation électrique française sur cette année (474 TWh). Et ce chiffre ne cesse de grimper.
Limiter la consommation électrique du numérique et verdir le bilan d’énergie des data-centers
Certes, une réflexion doit être menée sur les moyens de limiter la consommation électrique du numérique (limiter les quantités de données stockées, réduire l’utilisation d’applis fonctionnant H24…).
Mais, de leur coté, les opérateurs de data-centers doivent également, pour répondre à l’urgence climatique, trouver des techniques pour réduire leur impact environnemental. En la matière, l’entreprise suisse Infomaniak fait figure de pionnière – nos collègues de Numerama lui ont récemment consacré une enquête.
Refroidissement adiabatique et free cooling
Cette réponse à la crise climatique prend deux formes : réduire la consommation et s’approvisionner en électricité verte. Sur le premier front, Infomaniak a généralisé, dans ses deux data-centers, une utilisation combinée d’un refroidissement adiabatique et par l’air extérieur.
Globalement, le bâtiment est rafraîchi grâce à un réseau d’eau froide situé sous les pièces équipées d’ordinateurs. Les rangées d’ordinateurs alternent ainsi les allées « chaudes », avec une aération au plafond, permettant d’expulser l’air chaud dans un faux plafond, et les allées « froides », avec une aération au sol, permettant de faire entrer l’air rafraîchi venant du réseau sous-terrain d’eaux froides. Ce système de refroidissement, dit adiabatique, permet de limiter considérablement la quantité d’énergie utilisée, par rapport à une climatisation classique, utilisant des ventilateurs.
Mais Infomaniak va plus loin en y ajoutant un refroidissement de l’eau par l’air extérieur : cette technique, dite du free cooling, utilise simplement la différence de température entre l’air à l’intérieur et l’air à l’extérieur du bâtiment, sans aucune dépense énergétique. Ce free cooling, optimisé par Infomaniak, qui a pris soin d’installer ses data-centers dans des zones froides, couvre ainsi 90% des besoins du refroidissement adiabatique.
Une électricité majoritairement renouvelable
Mieux encore : l’entreprise suisse réutilise une partie de l’air chaud expulsé dans le faux plafond : « On réintègre une partie de cette chaleur dans les allées froides l’hiver, pour éviter qu’il fasse trop froid. Notre prochain data center, en projet, aura la particularité de récupérer la chaleur pour la réintégrer dans des locaux d’habitations », pointe Alexandre Patti, en charge des problématiques environnementales chez Infomaniak.
Pour limiter l’impact climatique de ses data-centers, le groupe suisse veille par ailleurs à s’approvisionner en électricité renouvelable. Pour l’heure, 60% de l’énergie nécessaire à alimenter centres de données et bureaux provient de grands barrages hydrauliques. 40% vient d’autres sources renouvelables, photovoltaïque, géothermie et petite hydraulique essentiellement.
Faire durer les serveurs dans le temps
Pour aller plus loin, Infomaniak a décidé d’optimiser l’utilisation et la révision de ses serveurs. « Avant 2019, la politique était de changer les serveurs de manière anticipée, parce qu’un serveur d’une nouvelle génération va consommer deux à quatre fois moins d’énergie que la génération précédente. Nous avons lancé une étude et nous avons observé que la quantité de CO2 majoritaire était générée lors de la production des serveurs et non lors de l’utilisation. Aujourd’hui, on change uniquement certains composants de certains serveurs », détaille Alexandre Patti.
Enfin, Infomaniak compense à 200% les émissions restantes de l’ensemble de son activité. Au final, le groupe suisse peut se targuer d’un indicateur de performance énergétique de 1,17 et 1,09 pour ses deux data-centers (construits respectivement en 2008 et 2014), contre 1,67 pour la moyenne des centres de données dans le monde.