Dans un rapport publié début décembre 2020, la Hadopi a étudié, pour la première fois, l’impact économique total du piratage sur les secteurs audiovisuels et sportifs en France : elle estime le manque à gagner à 1 milliard d’euros pour l’année 2019. Dans le même temps, l’autorité s’inquiète d’une explosion du piratage sportif cette année.
Le 2 décembre 2020, la Hadopi a publié son dernier rapport sur le piratage en France : « Bien qu’en baisse tendancielle grâce à l’action des pouvoirs publics conjuguée à celle des ayants droit, le piratage concerne néanmoins encore plus de 11 millions d’internautes chaque mois. Si certaines pratiques de piratage – le pair à pair en particulier – ont drastiquement diminué, d’autres, comme le streaming et le téléchargement direct, se maintiennent à des niveaux élevés, tandis que de nouvelles pratiques, comme l’IPTV illicite et le live streaming, connaissent une progression notable », résume l’autorité.
L’Hadopi pilote une étude du manque à gagner provoqué par le piratage en France
« Déjà très fragilisées par les effets de la crise sanitaire, les filières audiovisuelles et sportives doivent […] supporter du fait de la concurrence déloyale des sites pirates un manque à gagner considérable », complète la Hadopi. Pour la première fois, l’autorité a en effet réalisé une étude de l’impact économique de la consommation illicite de contenus audiovisuels et de retransmissions sportives. En détaillant l’ensemble des écosystèmes concernés, l’autorité estime un manque à gagner total à 1,03 milliards d’euros sur l’année 2019.
Dans le détail, ce manque à gagner est de 100 millions d’euros pour le cinéma en salle, de 310 millions pour la vente physique (DVD, Blu-Ray), 150 millions d’euros pour la VOD, 80 millions d’euros pour la SVOD, 260 millions d’euros pour les abonnements de télévision payante, 110 millions d’euros pour les revenus publicitaires à la télévision, 20 millions d’euros pour la billetterie sportive.
Ce manque à gagner du piratage se traduit également en perte de recettes fiscales pour l’Etat à hauteur de 332 millions d’euros, ainsi qu’en destruction de 2 650 emplois pour les filières concernées.
De nouvelles recommandations pour lutter contre piratage
La Hadopi a également dévoilé un long document précisant les évolutions réglementaires qu’elle recommande pour optimiser la lutte contre le piratage, en dehors des mesures déjà prévues par la loi audiovisuel. Elle les détaille en trois grandes familles.
Premièrement, la Hadopi appelle à « s’appuyer sur la mission de caractérisation de l’autorité publique », à savoir l’Arcom, qui devrait naître de la fusion de la Hadopi et du CSA. Le rapport demande ainsi aux autorités de préciser l’étendue des pouvoirs de caractérisation de cette nouvelle autorité, notamment contre les services de contournement et le piratage sportif, et de prévoir des modalités de coopération internationale.
Le blocage dynamique, clé de voute de la lutte contre le streaming illégal
Deuxièmement, la Hadopi demande une précision des aspects procéduraux devant le juge. Elle recommande ainsi de « multiplier les moyens de lutte pour viser une pluralité d’intermédiaires pour mieux combattre tous les modes de contournement ». Elle propose également de nommer un juge dédié pour le piratage sportif, et surtout de « reconnaître le caractère dynamique des injonctions » prononcées par les juges, et de contraindre les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) de collaborer à ces blocages dynamiques.
Troisièmement, la Hadopi souhaite étendre les prérogatives de cet Arcom, notamment dans son lien avec la justice : le rapport recommande ainsi de faire de l’Arcom un destinataire des décisions de justice et un accompagnateur de suivi des injonctions dynamiques prononcées par un tribunal. La Hadopi est également favorable à la création d’une interface pour transmettre les demandes de blocage aux FAI.
Le piratage sportif a explosé cette année
Concernant le piratage sportif, la Hadopi insiste sur la nécessité d’agir rapidement, car la France fait face à une recrudescence du visionnage illicite de compétitions sportives. Sur l’ensemble de l’année 2019, une moyenne de 2 millions de personne par mois ont eu recours au live streaming sportif illégal. Sur le mois de septembre 2020, ce chiffre est monté à 3,4 millions, soit une hausse de 70% !
Cela s’explique à la fois par la crise sanitaire (qui a provoqué une recrudescence de tous les modes de piratage) et par l’arrivée d’un nouveau diffuseur des compétitions de football, Téléfoot, à partir de fin août 2020.
« La situation est critique mais les solutions existent. Nous sommes fin prêts pour les mettre en œuvre au service d’une meilleure politique publique de protection de la création », conclue Denis Rapone, président de l’Hadopi.