La loi Audiovisuel reportée sine die, un de ses articles-clé a été opportunément intégré à la loi « pour démocratiser le sport », qui sera étudiée prochainement par l’Assemblée Nationale : il permettra de mettre en place un blocage dynamique des sites de streaming sportif illégaux, via une ordonnance ad hoc. Explications.
La loi Audiovisuel aurait dû être votée courant 2020 en France, et doter (enfin) le pays d’un arsenal législatif plus moderne et adapté à la lutte contre le piratage audiovisuel. Mais la crise sanitaire a annulé l’examen de cette loi, officiellement reportée, plus probablement abandonnée, au moins en l’état.
L’ordonnance de blocage dynamique, une arme efficace contre le streaming sportif illégal
Pour autant, les députés sont parvenus à sauver une de ses mesures phares sur le front du streaming sportif illégal. Elle concerne la mise en place d’une ordonnance de blocage dynamique, une technique qui a déjà fait ses preuves à l’étranger.
Dans le détail, cette mesure consiste à accélérer les procédures judiciaires afin que les ayants-droits puissent obtenir très rapidement, sur signalement, une ordonnance dynamique du juge valable douze mois. Cette ordonnance rend possible en temps réel le blocage, le retrait ou le déréférencement des sites et serveurs pirates.
L’ordonnance dynamique permet de s’attaquer aux clones et sites miroir
En clair : un ayant-droit repère un site ou un serveur diffusant illégalement des contenus dont il possède les droits. Il demande une ordonnance au juge, qui peut lui octroyer très rapidement, et qui permet le blocage, le retrait ou le déréférencement immédiat desdits sites dès qu’une nouvelle diffusion illégale est observée.
Mieux : l’aspect dynamique permet de viser des sites ou serveurs similaires (notamment les clones et sites miroir) découverts après la délivrance de l’ordonnance, dans un délai d’un an, dans le cadre d’un dialogue entre les parties à la procédure, auquel est associée la Hadopi, en qualité de tiers de confiance.
Le texte inscrivait ainsi dans la loi une obligation, pour les fournisseurs d’accès à Internet, de collaborer avec la justice sur ce sujet. Cette mesure était incluse dans l’article 23 de la loi Audiovisuel, et avait fait consensus lors son adoption en mars 2020 en commission des affaires culturelles.
L’article 10 de la loi pour « démocratiser le sport » réintègre cette ordonnance
Ce 26 janvier 2021, le groupe parlementaire La République en Marche et la raporteuse Céline Calvez ont présenté un projet de loi pour « démocratiser le sport en France », fruit de trois ans de travaux. Le monde du sport ayant payé un lourd tribut à la crise sanitaire, cette loi est demeuré à l’agenda politique. Elle devrait être examinée par l’Assemblée Nationale dans les semaines qui viennent ; disposant du soutien du gouvernement, elle devrait probablement être adoptée.
L’objectif prioritaire de cette loi est de « faciliter l’accès aux pratiques physiques et sportives pour tous les Français, et notamment ceux qui en sont aujourd’hui les plus éloignés ». Mais elle contient également plusieurs mesures sur les modes de gouvernance des instances sportives. Et les députés ont décidé d’y inclure aussi, à l’article 10, l’ordonnance de blocage dynamique.
Un monde du sport fragilisé par la crise sanitaire
Le monde du sport, et en particulier le football, traverse en effet une crise profonde en France. L’interdiction du public a plombé les comptes de nombreux clubs, malgré le soutien de l’Etat. Et, du coté du football, l’imbroglio autour de Mediapro, détenteur des droits de diffusion de la Ligue 1, mais finalement non solvable, a provoqué un effondrement des droits audiovisuels pour la saison 2021-2022.
Qui plus est, l’émergence d’une nouvelle chaîne diffusant la Ligue 1 (Telefoot), imposant de souscrire un nouvel abonnement, a donné un coup de fouet au piratage sportif. « A cause de l’imbroglio Telefoot, en France tout le monde pirate le football. C’était un vrai problème avant, mais c’est comme s’ils avaient versé de l’huile sur le feu. Et toute la valeur du championnat en sort dégradée », pointe une source anonyme, issue de l’état-major d’un diffuseur hexagonal.
Le streaming illégal pénalise aussi le sport amateur
Le piratage de programmes sportifs coûte plusieurs centaines millions d’euros par an aux diffuseurs. Un manque à gagner qui pénalise, au bout de la chaîne, le sport amateur, largement financé par la taxe Buffet sur les droits audiovisuels.
En effet, quand les droits du football baissent, « ce n’est pas juste la ligue qui va en souffrir, c’est tout le financement du foot amateur, votre gamin qui va à son club le dimanche, club qui bénéficie du financement de la ligue grâce à la taxe Buffet », selon les mots de la député Aurore Bergé, fervente défenseuse d’un arsenal législatif plus ferme pour lutter contre le streaming.
Contre le streaming sportif, l’APPS salue le retour de l’ordonnance dynamique de blocage
En tout état de cause, l’ordonnance dynamique a été salué par l’Association pour la protection des programmes sportifs (APPS).
« L’objectif de cette proposition législative, qui a le soutien de l’APPS, est d’assécher les ressources des promoteurs de sites ou services illégaux afin de soutenir la consommation légale des programmes sportifs et de protéger le financement des sports professionnels et amateurs dans une période particulièrement critique. Pour l’APPS, l’adoption de l’article 10 constituera une étape décisive dans la lutte contre le piratage des retransmissions sportives », affirme l’association dans un communiqué.