Le 19 mars 2021, l’Assemblée Nationale a adopté en première lecture la loi « visant à démocratiser le sport en France », en procédure accélérée. Cette loi sport contient tout un arsenal de mesure contre le piratage des contenus sportifs. Quelles mesures va-t-elle donc permettre de mettre en œuvre ?
Comme un rattrapage. La crise du Covid-19 ayant reporté sine die la fameuse loi sur l’audiovisuel et son cortège de mesures pour lutter contre le piratage, les législateurs ont décidé de profiter de la loi « visant à démocratiser le sport en France » pour doter le pays d’un arsenal législatif plus conséquent pour lutter contre le piratage de contenus sportifs.
Avec la loi sport, plus d’entités pourront saisir le tribunal en cas de piratage sportif
En effet, le gouvernement a décidé d’engager, le 16 février 2021, la procédure accélérée pour cette loi, déposée le 26 janvier 2021 par la députée Céline Calvez (La République en marche, LREM). Elle a été présentée et adoptée le 19 mars 2021 par l’Assemblée Nationale. Après un passage devant le Sénat, elle devrait être promulguée dans les semaines qui viennent, avant que des décrets d’application ne permettent de la mettre en musique.
Mais, sur le front de la lutte contre le piratage sportif, que propose exactement cette loi ? Pour commencer, elle étend la faculté d’alerter le tribunal, en cas d’ « atteintes graves et répétées » à l’encontre d’une manifestation ou d’une compétition sportive, à plus d’entités – en l’occurrence, au titulaire du droit (comme c’était le cas précédemment), mais aussi à une ligue sportive professionnelle ou une entreprise de communication audiovisuelle, comme une chaîne de télévision, même si elle n’est pas directement titulaire du droit.
Rendre les sites pirates inaccessibles sur le territoire français
Le tribunal est doté du pouvoir de prononcer, avec effet immédiat, « toutes mesures proportionnées propres à prévenir ou à faire cesser cette atteinte à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier ». En clair : les juges pourront ordonner un blocage ou un déréférencement instantanés d’un site. Fournisseurs d’accès à Internet et moteurs de recherche devront donc impérativement collaborer avec les autorités judiciaires.
L’objectif est bien que les sites « dont l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux est la diffusion sans autorisation » de matchs ou d’évènements sportifs cessent d’être accessible sur le territoire français. Le juge pourra ainsi déterminer quelles mesures sont les plus efficaces (blocage, retrait, déréférencement), pour une durée de douze mois.
Le blocage dynamique, enfin
Mais l’une des avancées-clés de cette loi est bien la mise en place du blocage dynamique, qui laisse la possibilité d’appliquer la même sanction, sans délai ou presque, à un site similaire aux sites visés par l’ordonnance. Cela permet d’atteindre immédiatement un site de la même famille qui n’aurait pas été identifié ou, surtout, un site miroir, dont l’URL change, mais dont le contenu reste identique.
Pour appliquer ces mesures le plus rapidement possibles, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) sera dotée de nouvelles prérogatives. Dès qu’une ordonnance est publiée par un juge, la Hadopi pourra concevoir des modèles d’accord entre toutes les parties prenantes, visant « la mise en œuvre des mesures ordonnées à l’encontre des services de communication au public en ligne qui n’avaient pas été identifiés à la date de l’ordonnance ».
La Hadopi au cœur de la lutte contre le piratage sportif
« L’accord détermine les conditions d’information réciproque des parties sur d’éventuelles violations de l’exclusivité du droit d’exploitation audiovisuelle de la manifestation ou de la compétition sportive », mais aussi « les mesures qu’elles s’engagent à prendre pour les faire cesser et l’intervention, si nécessaire, de la Hadopi pour constater l’existence de telles violations et la répartition du coût de ces mesures », précise le texte de loi.
C’est bien la Hadopi qui sera chargée de faire l’interface entre les ayants-droits et les intermédiaires techniques qui peuvent bloquer l’accès d’une site pirate en France. Le rôle de la Hadopi sera même proactif, puisque la loi prévoit de dépêcher des agents de la Hadopi pour enquêter sur le terrain. Ces agents pourront, sur demande d’une chaîne de télévision, d’une ligue professionnelle ou d’un ayant droit, s’insérer dans l’écosystème du piratage « sans en être tenus pénalement responsables ».
Les agents de la Hadopi pourront enquêter sous pseudonyme, sur le terrain
Ces agents pourront donc espionner de l’intérieur, en toute légalité, le petit monde des piratages de compétitions sportives. Ils pourront discuter sous pseudonyme sur des forums, réseaux sociaux ou via des messages privés, afin d’identifier des sites pirates. Ces agents pourront visionner les compétitions en cause, et, surtout, « extraire, acquérir ou conserver des éléments de preuve sur ces services, aux fins de leur caractérisation ». Ils pourront enfin acquérir pour étude des logiciels ou matériels permettant ce piratage – IPTV, vous avez dit IPTV ?
Ces agents devront ensuite consigner leurs observations dans un procès-verbal, ou transmettre aux ayants droit et aux parties concernées les « faits qu’ils ont constatés et leur communiquer tout document utile à la défense de leurs droits ».
Pour résumer : des saisies de juges plus simples et rapides, des possibilités de blocage et de déréférencement étendues et dynamiques, des agents qui enquêtent pour déterminer où sont les pirates. De quoi donner un vrai coup de frein aux piratages de contenus sportifs ? Affaire à suivre quand les décrets d’application seront parus…