3DS Outscale, filiale de Dassault Systèmes, a-t-elle indûment obtenu le juteux contrat de maintenance de l’application TousAntiCovid (ex-StopCovid) ? C’est ce que le Parquet National Financier va devoir déterminer. Suite à un signalement de l’association Anticor, il a en effet lancé une enquête préliminaire pour « favoritisme » dans ce contrat pour TousAntiCovid. En cause : l’absence d’appel d’offre, alors que les montants en jeu étaient très élevés…
L’application TousAntiCovid, ex-StopCovid, fait reparler d’elle. Pour rappel, après le fiasco de la première mouture, peu efficace et véritable passoire en termes de sécurité, la nouvelle version a davantage convaincu.
Le Parquet National Financier ouvre une enquête préliminaire pour favoritisme sur le contrat de maintenance de TousAntiCovid
Au 2 juin 2021, la nouvelle application TousAntiCovid a permis de notifier près de 200 000 Français suite à un contact prolongé auprès d’une personne s’étant déclarée positive au Covid-19. Il faudra sans doute attendre la fin de l’épidémie pour tirer le bilan complet de l’expérience, et juger quel rôle cet outil a eu dans la lutte contre le virus.
En revanche, c’est l’attribution du contrat de maintenance de l’application qui pose pour l’heure soucis. Ce 21 mai 2021, une source judiciaire a ainsi déclaré à l’AFP que Parquet national financier (PNF) avait ouvert en septembre 2020 une enquête préliminaire pour « favoritisme » après un signalement de l’association anticorruption Anticor.
L’association Anticor pointe l’absence d’appel d’offre, malgré un marché public de plus de 139 000 euros
Spécialisée dans la lutte contre la grande délinquance économique et financière, Anticor avait déposé ce signalement en juin 2020, à l’époque où l’application s’appelait encore StopCovid.
En effet, lorsque l’Etat veut acheter un service à des entreprises pour plus de 139 000 euros, il est contraint de déposer un appel d’offre. Or, si le développement de StopCovid, durant le confinement de mars-avril 2020, a été effectué gratuitement par les différentes entreprises privées concernées (notamment Dassault Systèmes, Capgemini, Orange ou Withings), son exploitation et sa maintenance font l’objet d’une facturation.
Le coût serait compris entre 200 000 et 300 000 euros par mois. Or, l’Etat a attribué ce contrat à 3DS Outscale, filiale de Dassault Systèmes, sans procéder au moindre appel d’offre. De quoi faire tiquer Anticor. « Le choix de recourir à la société Outscale en tant qu’attributaire du marché de maintenance de l’application StopCovid n’a fait l’objet d’aucune procédure de passation de marché public », affirmait l’association au printemps 2020.
Une surfacturation par 3DS Outscale ?
Cette absence d’appel d’offre pourrait constituer, selon Anticor, un délit de « favoritisme » défini par l’article 432-14 du code pénal. L’association a donc déposé plainte auprès du Parquet National Financier, non seulement pour le contrat de maintenance de StopCovid, mais aussi tous les marchés publics passés dans le cadre de l’application StopCovid et n’ayant pas fait l’objet d’un appel d’offres.
Dans sa plainte, l’association précise d’ailleurs que l’Etat français avait le temps, durant le temps de développement de l’application, de lancer un appel d’offre pour sa gestion et sa maintenance, malgré l’urgence sanitaire. Elle pointait aussi une surfacturation, qui pourrait être liée à ce « favoritisme » de TousAntiCovid : « les manquements aux règles relatives à la commande publique ont un impact sur la vie démocratique mais également sur les comptes publics; le coût d’exploitation est ici bien supérieur aux pratiques du secteur ».
Cédric O vole au secours de son « bébé »
Cédric O, le secrétaire d’Etat chargé de la transition économique et des communications électroniques,a réagi à cette accusation de « favoritisme », au micro de France Info, le 25 mai 2021. Il défend l’idée que le marché a été attribué à 3DS Outscale car « le projet de loi ‘Urgence sanitaire’ nous permettait d’aller beaucoup plus vite qu’un appel d’offre qui aurait pris plusieurs mois ».
Il argue également que la filiale de Dassault Systèmes était la seule entreprise française disposant des moyens techniques d’assurer cette maintenance tout en étant labellisée SecNumCloud (un label attribué par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), qui garantit qu’une entreprise traite la data dans le cloud avec un haut respect des données personnelles et un niveau de sécurité optimal).
L’argument a peu de valeur juridique, mais il veut dire que l’appel d’offre était inutile, puisque seule 3DS Outscale était en mesure de répondre au cahier des charges imposé par le gouvernement. Cédric O, qui a piloté le projet, assure en conclusion que cette procédure ne l‘ »inquiète pas » et « trouve normal que la justice, si elle se pose des questions, puisse enquêter ». Affaire à suivre, donc.