L’Alliance for Creativity and Entertainment (ACE), qui fédère la plupart des géants du cinéma, de la télévision et de la SVOD dans le monde, est parvenue, avec le soutien des autorités états-uniennes et vietnamiennes, à mettre hors ligne 2Embed, un fournisseur de contenus de streaming illégal. Entraînant des centaines de sites pirates dans sa chute.
Pour une fois, le mythe du « vaisseau mère » se matérialise dans la réalité. Ce trope de blockbusters et films de science-fiction veut que détruire un unique appareil ou individu (vaisseau spatial, alien, être surnaturel, original d’une armée de clones, etc.) permet de détruire, par effet domino, tous les assaillants d’une invasion de masse.
2Embed, le « vaisseau mère » du streaming illégal
Ce cliché permet de dramatiser à l’extrême une situation et de la résoudre sans recourir à une puissance de feu démentielle, simplement par un duel ou une action héroïque.
Dans la réalité, c’est souvent (presque toujours) plus complexe. Mais la récente mise hors ligne de 2Embed fait exception. En déconnectant ce fournisseur majeur de contenus et de services pour des sites de streaming illégal, les autorités ont débranché d’un seul geste des centaines de sites et de plateformes, subitement privés de toute vidéo illégale.
A l’origine de cette spectaculaire opération se trouve, comme souvent pour le streaming illégal, la très puissante Alliance for Creativity and Entertainment, ou ACE, qui fédère la majorité des géants du divertissement audiovisuel, studios de cinéma, chaînes de télévision ou plateformes de SVOD légal. Elle mène depuis des années une guerre internationale contre les acteurs du piratage audiovisuel.
L’ACE se lance aux trousses du champion du « Piratage-as-a-Service »
Sa puissance financière et l’efficacité de son service juridique lui ont accordé de nombreux succès : elle a récemment eu la peau de Soap2Day, un site pirate revendiquant plus de 100 millions de visites par mois, ou de CAKES et RARBG, autres mastodontes du secteur.
Mais 2Embed était encore d’une autre nature. Ce site proposait un véritable « Piratage-as-a-Service », avec des formules clés-en-main pour ouvrir son propre site de streaming.
Le coup de génie de ses créateurs ? Créer une base de données démentielle de contenus illégaux, dans de multiples langues (300 000 films et séries, renouvelés régulièrement) et, plutôt que de l’exploiter via un ou plusieurs sites, la louer à des tiers.
2,75 milliards de visites en 2 ans
2Embed y ajoutait même des services permettant de siphonner les bases de données d’Imdb (avec traductions automatiques, parfois approximatives) et des affiches, pour assurer des pages de description convaincantes générées automatiquement.
Pour un créateur de sites pirates, un abonnement 2Embed, un nom de domaine, une charte graphique et quelques API suffisaient pour lancer leur service – et engranger abonnements ou revenus publicitaires.
En tout, l’ACE avait identifié par moins de 457 plateforme utilisant les services de 2Embed (mais leur nombre réel est sans doute plus élevé) : elles ont généré, en deux ans, plus de 2,75 milliards de visites en tout.
Un château de cartes qui s’effondre
L’ACE a mené sa propre enquête, puis a collaboré avec les autorités américaines et avec le gouvernement et les forces de l’ordre du Vietnam, base arrière avérée de 2Embed. L’alliance donne peu de détails sur l’opération en elle-même, mais son résultat est plutôt convaincant : 302 des 457 plateformes utilisant 2Embed sont actuellement indisponibles, hors ligne ou vidées de tout contenu.
Certes, le piratage audiovisuel ressemble à l’Hydre de Lerne : les sites refleurissent, à peine mis hors ligne. Reste que, concernant le streaming illégal, les législations plus contraignantes, la volonté de nombreux gouvernements de collaborer avec les ayant-droits et une formation plus fine des forces de l’ordre assurent un rétrécissement global de l’offre disponible.