Cinq hommes vont être jugés pour avoir confectionné des cigarettes de contrefaçon près de Toulouse. Leur atelier clandestin, capable de produire 1 500 cigarettes à la minute, a été découvert le 18 décembre dernier à l’arrière d’un café. Les professionnels du tabac s’inquiètent du commerce illicite qui prend de plus en plus d’ampleur en France alors que les prix des paquets ne cessent d’augmenter.
Mercredi 20 décembre, cinq hommes ont été présentés au parquet de Toulouse en vue de leur jugement en comparution immédiate. Ils viennent d’Ukraine, d’Azerbaïdjan ou encore du Kazakhstan, et seront jugés pour une affaire de fabrication frauduleuse en bande organisée.
Les malfaiteurs confectionnaient des cigarettes de contrefaçon dans l’arrière d’un bar de Launaguet, commune du nord de Toulouse. Les enquêteurs de l’unité des stupéfiants et de l’économie souterraine, épaulés par le Raid de Toulouse et la brigade anticriminalité, ont découvert, le 18 décembre, 550 kg de tabac provenant de Pologne et des machines pouvant produire 1 500 cigarettes à la minute.
Cette usine clandestine emballait les cigarettes dans des paquets siglés « Marlboro », une marque détenue par Philip Morris International (PMI). Le multinationale américaine se porte d’ailleurs partie civile pour le « préjudice » que ce business de tabac illicite lui porte.
Le démantèlement de cette usine clandestine est le deuxième en moins 12 mois, après celui de la fabrique de Saint-Aubin-lès-Elbeuf, près de Rouen, début janvier dernier. Pour rappel, plus de 100 tonnes de produits avaient été saisies dans ce qui était alors la plus grande fabrique de cigarettes de contrefaçon en activité découverte en France.
L’Hexagone est aujourd’hui le premier marché de cigarettes contrefaites. Cela s’explique notamment par la forte augmentation du prix du tabac. Il y a cinq ans, un paquet coûtait 7 euros. Il coûte 11 euros actuellement. Les tarifs des paquets vont encore augmenter de 40 à 50 centimes dès janvier prochain. Une inflation constante qui contraint les fumeurs à trouver des solutions de contournement.
Pour payer moins cher, les fumeurs se rendaient à l’étranger avant le confinement. Mais des alternatives plus pratiques existent aujourd’hui, comme les réseaux sociaux, où les vendeurs de cigarettes de contrefaçon proposent des prix battant toute concurrence. Ilest notamment possible de se faire livrer directement chez soi des cartouches à 35 ou 40 euros. Les vendeurs affirment que les paquets proviennent de pays étrangers, ou sont des invendus de Duty free.
Aux vues des machines et de la quantité de produits retrouvés dans l’usine de Launaguet, on peut supposer que le marché noir du tabac est très rentable. « Le mode opératoire est le même que pour les stupéfiants. Tout est structuré, organisé, le processus est discret. La rentabilité est équivalente à celle des stupéfiants, sauf qu’en plus, les criminels risquent moins. On parle généralement de 10 années de prison pour trafic de drogue, et seulement 3 pour trafic de cigarettes »,précise Daniel Bruquel, chef du service de prévention du commerce illicite pour Philip Morris France.
12% de la consommation de cigarettes à Toulouse concerne la contrefaçon. « Si on englobe les autres marchés illégaux, comme les cigarettes de contrebandes qui viennent d’Andorre, le chiffre monte à 30%. 30% du tabac qui ne vient donc pas de chez les buralistes », poursuit Daniel Bruquel.
Mécontents et soucieux face à la montée en puissance de cette économie parallèle, les buralistes de la région tirent la sonnette d’alarme. « Pour nous, c’est une double peine. Entre les trafics de cartouches qui viennent d’Espagne et d’Andorre, et les cigarettes de contrefaçon, on a perdu 12% de nos volumes de livraison », souligne le président des buralistes d’Occitanie Thierry Arnaudin.
Si les buralistes tentent de pallier la perte de chiffres d’affaires, notamment en diversifiant leurs activités, ils n’arrivent pas à faire comprendre à l’Etat que la hausse du prix du tabac met en péril leurs commerces. Ils regrettent également le trop grand écart de fiscalité entre les pays européens. Thierry Arnaudin confie son inquiétude concernant les petits buralistes situés en zone rurale : « Il suffit qu’un jeune du village vende des cigarettes clandestines, et toute son activité s’écroule ».
Le marché noir de la cigarette présente également un danger pour la santé. Les enquêteurs ont par exemple retrouvé des métaux lourds et des excréments de rats dans les cigarettes de l’atelier toulousain. « Les cigarettes légales sont soumises à des normes, auxquelles les cigarettes contrefaites ne le sont pas du tout », rappelle Daniel Bruquel. Les cigarettes contrefaites sont donc dangereuses et impropres à la consommation.
Les cinq prévenus de Launaguet ont souhaité reporter l’audience au 30 janvier prochain. Ils sont actuellement en détention provisoire. Selon les avocats de la défense, la lourdeur du dossier exige une préparation plus approfondie.