Faut-il durcir l’accès aux cigarettes électroniques ?

Faut-il durcir l’accès aux cigarettes électroniques ?
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Les 27 Etats membres de l’UE débattent actuellement de la restriction des arômes dans les cigarettes électroniques et dans les autres alternatives au tabac. Dans ce contexte, le Conseil de l’Europe a publié un document (« Strengthening efforts to protect children from direct marketing and sale of tobacco and nicotine products, especially on digital platforms ») indiquant que l’UE devrait renforcer sa réglementation pour réduire les différences entre les pays membres et limiter l’accès des plus jeunes aux e-cigarettes aromatisées.

Les restrictions nationales sur les alternatives au tabac, comme la cigarette électronique, n’empêchent pas les consommateurs d’en importer, notamment via internet. Le Conseil de l’Europe souligne que la cigarette électronique se popularise ces dernières années, et que certains de ses arômes (goût melon, chocolat, fraise, chewing-gum…) visent particulièrement les enfants et les adolescents.

Sans livrer plus d’informations sur les effets de la e-cigarette (positifs ou non) ou le profil des utilisateurs, le document du Conseil de l’Europe se contente de lister les dangers de la nicotine chez les jeunes, d’assurer que la cigarette électronique est une porte d’entrée vers le tabac, et d’en conclure qu’il faudrait plus de réglementation en la matière. Mais est-ce une fausse bonne idée ?

La e-cigarette pousse vers le tabagisme ?

C’est un fait : les jeunes, et particulièrement les adolescents, consomment de plus en plus de cigarettes électroniques. La plupart d’entre eux le font par plaisir ou par volonté d’expérimenter. Certains d’entre eux utilisent la e-cigarette pour remplacer les cigarettes traditionnelles. 

D’après le Health Behaviour in School-aged Children (HBSC), un organisme international qui étudie la santé des adolescents en Amérique du Nord et en Europe, la cigarette est devenue plus populaire que son homologue classique chez les adolescents : 32% des jeunes de 15 ans affirment l’avoir testée au moins une fois dans leur vie, et 20% l’avoir utilisé il y a moins d’un mois.

Cependant, nous pouvons légitimement douter qu’une harmonisation des règles sur les arômes des e-cigarettes soit efficace pour baisser la consommation des plus jeunes.

Dans des pays tels que la Géorgie, qui présente une législation sur les produits liés au vapotage parmi les plus souples d’Europe, moins de jeunes utilisent la cigarette électronique comparé à l’Allemagne, où les règles sont pourtant plus contraignantes.

De plus, il n’y a pas de consensus scientifique sur le fait que les consommateurs d’e-cigarettes seraient plus susceptibles de se tourner vers les cigarettes classiques. Les méta-analyses réalisées à ce sujet mettent en exergue des failles méthodologiques dans diverses études, notamment dans la façon d’évaluer l’initiation au tabac, le suivi sur la durée, ou encore les données concernant la présence de nicotine dans les cigarettes électroniques.

La cigarette électronique : une alternative pour arrêter de fumer

Malgré l’absence de réglementation européenne sur la e-cigarette, les dernières données disponibles précisent que ce dispositif est efficace pour arrêter de fumer ou baisser sa consommation de tabac.

Un rapport de l’ANSES précise que 61% des vapoteurs français fument aussi du tabac, tandis que 39% consomment uniquement la cigarette électronique alors qu’ils étaient, pour la très grande majorité, des ex-fumeurs.

L’ANSES informe également que plus de la moitié (58,6%) des vapoteurs ou ancien vapoteurs déclarent avoir essayé la e-cigarette dans l’optique d’arrêter de fumer. Aussi, 31% des vapoteurs s’appuient sur cette alternative pour diminuer leur consommation de cigarettes. La vapotage semble fonctionner puisque 80,4% des vapoteurs-fumeurs assurent avoir réussi à baisser leur consommation de tabac.

Alors que 75 000 Français meurent du tabac chaque année, avoir la possibilité de fumer grâce à une alternative permettant de contrôler sa dose de nicotine, et qui est moins dangereuse pour la santé, est pertinent. Et si la cigarette électronique permet, à long terme, de faire chuter le tabac, c’est encore mieux.

Durcir l’accès aux e-cigarettes pour les adolescents est illusoire. Les mineurs qui souhaitent expérimenter le tabac finiront tôt ou tard par le faire, qu’ils commencent par la e-cigarette ou non. L’UE outrepasse son rôle en envisageant de restreindre les arômes dans les cigarettes électroniques, ou en réfléchissant à interdire complétement certains dispositifs à base de nicotine, au nom de la protection des plus jeunes. Aussi, et surtout, cette politique européenne risque de limiter l’offre d’alternatives permettant aux fumeurs d’arrêter le tabac.